Sur une piste trouée couleur ocre, rendue boueuse par la pluie, le cortège de véhicules qui accompagne la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Agnès Pannier-Runacher, avance prudemment sous le regard des habitants, surpris de voir un tel défilé ce mardi 15 avril au matin, à Combani.

En visite officielle pendant deux jours, la ministre a souhaité se rendre sur le site de la retenue collinaire, sur les hauteurs de la commune, pour rencontrer les acteurs de la gestion de l’eau, faire le point sur la situation actuelle et annoncer sa volonté d’accélérer les processus d’amélioration de l’accès à la ressource. Quatre mois après le passage du cyclone Chido qui a endommagé des infrastructures et avec un dérèglement climatique qui va bouleverser de plus en plus le cycle des saisons, avec des phases de surplus en eau et d’autres de pénurie, c’est « une véritable course contre la montre » qui débute, a insisté à plusieurs reprises la ministre.
Des procédures accélérées pour les infrastructures
En ce mois d’avril 2025, la retenue collinaire de Combani est remplie à 86% de ses capacités et celle de Dzoumogné, à près de 60%. Un niveau suffisant pour atténuer la crise de l’eau annoncée mais qui laisse tout de même planer le doute sur les prochains mois, alors que la saison des pluies touche à sa fin. « Avec le niveau actuel des deux retenues collinaires, on tiendra jusqu’à début février 2026″, explique à la ministre, le président de la Société Mahoraise des Eaux (SMAE), Karl Morin. Une situation qui rend la gestion de la ressource minutieuse, avec un maintien quasi-obligatoire des coupures d’eau sur l’île pour tenir jusqu’à la prochaine saison des pluies.

« On doit renforcer l’accès à l’eau et faire en sorte d’aller le plus vite possible pour réduire les tours d’eau, on ne peut pas se permettre de mettre en difficulté les Mahorais et les Mahoraises« , a indiqué face à ce constat de dépendance aux pluies, Agnès Pannier-Runacher. « C’est pour cela qu’il faut accélérer les procédures pour construire une nouvelle retenue collinaire mais aussi l’usine de désalinisation dans les deux prochaines années », a soutenu la ministre, en rappelant l’apport supplémentaire de dizaines de milliers d’euros de la part de l’Etat, pour l’année 2025, dans le cadre du Plan Eau Mayotte, à la suite du cyclone.
Questionnée sur la problématique des fuites et des canalisations endommagées du réseau d’eau de distribution d’eau, Agnès Pannier-Runacher mentionne que « 300 réparations ont été réalisées mais qu’un certain nombre d’installations restent fragiles, le plus souvent après le poste de distribution de l’eau (c’est-à-dire au niveau des branchements individuels ou des réseaux privés). Il faut que chacun prenne sa part de responsabilités ».
L’eau du robinet jugée « potable et de qualité »
En attendant, la ministre a souhaité rassurer la population sur la potabilité de l’eau qui coule des robinets. « On peut boire l’eau du robinet de manière très sécurisée, si ce n’était pas le cas il y aurait des consignes. L’eau est potable et de qualité. Elle est contrôlée constamment, comme elle l’est sur tout le territoire français. À la Préfecture de Mayotte, on boit l’eau du robinet et on l’utilise pour la cuisine. C’est important pour ne pas trop importer des bouteilles d’eau de façon inutile », a-t-elle remarqué.

Après la signature de la convention de partenariat entre l’Office de l’Eau de La Réunion et l’Office de l’Eau de Mayotte, pour favoriser les échanges et la mise en place de solutions pour garantir l’accès à l’eau aux populations, Agnès Pannier-Runacher s’est rendue sur une opération de dégagement des embâcles de la rivière Mro wa Ourovéni, au sud de Combani. Une opération importante pour permettre à nouveau l’écoulement de la rivière, et donc l’accès à l’eau, mais aussi pour faciliter l’écosystème de la forêt à se régénérer, une fois la mission terminée.
La biodiversité « une protection » face au dérèglement climatique
Par ailleurs, la ministre a souligné l’importance du retour de la biodiversité sur l’île en annonçant un plan de reboisement sur cinq ans, fondé sur une stratégie progressive. Elle a également appelé à dépasser une vision trop anthropocentrée afin de permettre à la nature de se régénérer d’elle-même.

« Il ne faut pas opposer la biodiversité et les activités économiques, c’est le contraire« , relève Agnès Pannier-Runacher. « Moi je vois la biodiversité comme une protection des habitants et des habitantes, face au dérèglement climatique. Par exemple, les mangroves ont protégé beaucoup d’habitations pendant le cyclone, pareil pour les forêts qui ont protégé le cycle de l’eau. Ce sujet-là est central et je me battrai pour qu’on préserve la qualité de vie des habitants et, cela passe par la protection de la biodiversité ».
Une volonté de protection qui risque d’être mise à l’épreuve face à l’urgence et à la nécessité de construire de nouvelles infrastructures, qu’il s’agisse de la troisième retenue collinaire, de l’usine de dessalement, de la piste longue aéroportuaire ou d’autres projets en attente.
Victor Diwisch