Durcissement d’accès à la nationalité : les députés LFI saisissent le conseil constitutionnel

Dans son argumentaire, le groupe LFI-NFP déplore les dérogations aux principes de la République que contient le nouveau texte adopté par le Parlement. S’ils avaient été validés en 2018 par le conseil constitutionnel, leur durcissement passera-t-il le sas des Sages ?

Vent debout à l’Assemblée nationale contre l’adoption du renforcement des conditions d’accès à la nationalité française, les députés LFI-NFP ont saisi le Conseil constitutionnel, ce 10 avril 2025. Mathilde Panot, présidente du groupe, adresse à Richard Ferrand, président du CC, un mémoire argumenté sur cinq points.

La loi porterait atteinte au « principe fondamental reconnu par les lois de la République » qui lie la naissance sur le sol français à la nationalité française, elle toucherait également au principe d’égalité qui traite différemment les natifs de Mayotte et ceux du reste du pays, et au principe de non-discrimination et d’indivisibilité pour les mêmes raisons, ainsi qu’à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale, et enfin, le principe de sécurité juridique.

La République très divisible à Mayotte

Le Conseil constitutionnel devra donc donner un avis, en sachant que l’institution avait déjà accordé une dérogation à tous ces principes lors de la loi de septembre 2018 intégrant l’amendement de l’ancien sénateur Thani Mohamed Soilihi. En conditionnant l’accès à la nationalité d’un enfant à la présence régulière et continue d’au moins un de ses parents sur le sol mahorais pendant trois mois. Les nouvelles règles portent à un an la période de présence étendue aux deux parents – en dehors des familles monoparentales – avec mention sur un passeport biométrique.

Il s’agit d’un article unique qui englobe ces évolutions, avec donc le risque que l’inconstitutionnalité de l’une d’elle entraine les autres.

Conseil constitutionnel, aide juridictionnelle, Laurent Fabius, Mayotte
Le Conseil constitutionnel à Paris

En 2018, le Conseil constitutionnel s’était basé sur les spécificités de Mayotte « soumise à des flux migratoire très important », créant des « caractéristiques et contraintes particulières » justifiant d’introduire sur ce territoire des conditions particulières d’acquisition de la nationalité française.

D’autre part, et comme nous l’avions souligné dans un article reprenant la proposition de loi de Saïd Omar Oili, des éléments portant atteinte à l’indivisibilité de la République sont légion à Mayotte, à commencer par les prestations sociales et les retraites, de moitié de celles du niveau national, mais surtout sur le titre de séjour territorialisé qu’il est urgent de lever.

D’autres saisines devraient intervenir, le groupe socialiste, écologiste et républicain ayant annoncé cette intention.

A.P-L.

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