Remaniée à de multiples reprises depuis son adoption en février dernier à l’Assemblée nationale après des débats houleux, la proposition de loi du groupe la Droite Républicaine (DR) visant à restreindre le droit du sol à Mayotte passait ce mardi par les fourches caudines de la CMP, la Commission Mixte Paritaire.
En sortant du Palais Bourbon, le texte qui avait été assoupli en commission, puis partiellement rétabli en séance au cours d’un débat qui interrogeait le lien entre droit du sol et flux migratoires, et conditionnait donc l’obtention de la nationalité française pour un enfant né à Mayotte à la présence en situation régulière et continue sur le sol d’au moins un des deux parents, un an avant sa naissance, et non plus trois mois comme c’est actuellement le cas dans le 101ème département depuis 2018. Exit donc les conditions de présence pour les deux parents et l’obligation de détenir un passeport biométrique, qu’avaient adoptées les députés.

Tout allait se jouer en Commission Mixte Paritaire (CMP,) où siègent sept députés et sept sénateurs. Leur orientation politique et leur positionnement sur le sujet allait être déterminant. Premier constat, la solidarité entre les trois parlementaires de Mayotte, les députées Estelle Youssouffa et Anchya Bamana, et la sénatrice Salama Ramia, a joué à plein. Résultat, les deux conditions éliminées ont été rétablies : la condition de présence d’un an est étendue aux deux parents, à l’exclusion des familles monoparentales, et l’obligation de produire un passeport biométrique pour faire figurer sur l’acte de naissance de l’enfant la mention de la durée de la résidence régulière des parents.
« Faire bloc a payé ! »
Ces éléments suffiront-ils à réduire les reconnaissances frauduleuses d’enfants par des hommes payés en nature sous toutes ses formes, ou au contraire l’aggraveront-ils ? Assistera-t-on à une explosion de familles monoparentales masculines de façade ? Auquel cas, il faudrait imposer le versement des pensions alimentaires à ces « pères de fortune ». Deuxième constat, cette navigation à vue, et rappelons le, sans étude d’impact, incite les parlementaires opposés à cette évolution à la menacer d’inconstitutionnalité.

« Nous avons voulu faire bloc car il fallait que les choses bougent, nous rapporte la sénatrice Salama Ramia, en leur disant ‘on prend le risque d’une inconstitutionnalité’ étant donné que la situation est déjà catastrophique sur place en termes de saturation des services publics. » Elle répète que de toute façon, les mahorais veulent autre chose, « j’ai encore expliqué à mes collègues parlementaires que nous souhaitons tous la suppression de la territorialisation du titre de séjour qui fixe son détenteur sur le territoire, et à chaque fois ils sont surpris que cela nous soit refusé. » Une injustice qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, pas même en Guyane pourtant terre de migration.
A l’issue de plusieurs tractations et rapports de force qu’il a fallu mener en CMP, la sénatrice se félicite en tout cas de la cohésion parlementaire des mahoraises, « la carte de la solidarité a payé ! ».
Une fois que les deux assemblées auront voté le texte, il passera devant le conseil constitutionnel.
Anne Perzo-Lafond