Le 18 mars 2025, Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, a adressé une lettre urgente au ministre des Armées pour obtenir des réponses concrètes concernant le dispositif du « rideau de fer » maritime, présenté comme un moyen de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine dans l’archipel. Ce projet, qui avait été annoncé par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en février 2024, suscite aujourd’hui de plus en plus d’interrogations au sein de la population mahoraise, en raison de l’absence d’informations détaillées sur son déploiement.
Une demande de clarification du projet restée sans réponse
Dans sa lettre, Saïd Omar Oili déplore qu’aucune information concrète n’ait été fournie au sujet du « rideau de fer » depuis sa première demande, formulée plusieurs mois plus tôt. « Le 5 novembre 2024, j’ai demandé un entretien avec vous afin d’évoquer le concept de « rideau de fer » censé renforcer la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, et annoncé par l’ancien Ministre de l’Intérieur au mois de février 2024. J’indiquais dans ce courrier vouloir connaître le contenu précis de ce rideau de fer, notamment les moyens militaires mobilisés », écrit-il.

Le sénateur va même jusqu’à souligner qu’une réponse, transmise par les membres du cabinet ministériel le 13 novembre 2024, lui avait promis la transmission d’un rapport, qui était à l’époque encore en préparation, au sujet de la présence militaire à Mayotte et ses évolutions. Cependant d’après le sénateur, aucun élément ne lui aurait été communiqué depuis. « Je vous réitère donc ma demande d’entretien pour évoquer le projet de rideau de fer à Mayotte, à la lumière des annonces médiatiques récentes à l’Assemblée nationale sur la mise en place au nord de Mayotte d’une base militaire navale », insiste-t-il pour clarifier la situation.
Le « rideau de fer », initié par Gérald Darmanin, visait à renforcer la surveillance maritime autour de Mayotte pour lutter contre l’immigration clandestine en provenance des Comores. Ce dispositif technologique comprenait notamment l’installation de radars à ondes de surface développés par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), permettant de détecter les « kwassa-kwassa », ces embarcations utilisées pour le trafic migratoire. Mais depuis, aucune d’information détaillée sur sa mise en œuvre n’a été fournie. « Les Mahorais attendent des mesures réelles et visibles. Nous avons une responsabilité envers les habitants de Mayotte. L’État doit faire preuve de cohérence et de réactivité« , a soutenu Saïd Omar Oili, soulignant le besoin d’actions concrètes et immédiatement perceptibles sur le terrain, quelques mois après le passage du cyclone Chido.
Une pression sociale et géopolitique croissante
Le sénateur ne se limite pas à critiquer l’absence d’action visible sur le terrain. Il met également en lumière un autre problème majeur : la sous-dotation des moyens militaires, notamment des forces maritimes à Mayotte. Dans un contexte géopolitique complexe, marqué par des conflits dans la région des Grands Lacs, l’archipel se retrouve à gérer un afflux croissant de migrants économiques et de réfugiés, ce qui nécessite, selon lui, une mobilisation renforcée des moyens de surveillance et de contrôle des frontières.

D’après Saïd Omar Oili, les auditions menées auprès des autorités militaires, telles que le contre-amiral Nicolas Lambropoulos et le général François-Xavier Mabin, ont aussi révélé une déconnexion croissante entre les annonces politiques et les actions concrètes sur le terrain. Cette disparité alimenterait un mécontentement grandissant au sein de la population, qui se sentirait laissée-pour-compte face à la complexité de la situation. Pour lui, il est essentiel que l’État fournisse des réponses claires sur les moyens déployés, la stratégie à long terme et les actions immédiates qui seront mises en place pour améliorer la gestion des flux migratoires à Mayotte, notamment après le passage du cyclone Chido qui a profondément affaibli l’archipel. « Il est temps de passer des annonces à l’action, et de montrer aux Mahorais que l’État est réellement engagé pour répondre aux enjeux de sécurité, de souveraineté et d’humanité auxquels Mayotte est confronté« , a-t-il conclu.
Mais le « rideau de fer » à Mayotte pourrait-il réellement être la solution aux défis migratoires ? Sans réponses claires et actions visibles, ce « rideau » pourrait devenir une promesse suspendue, comme tant d’autres laissées à la merci de la mer.
Mathilde Hangard