Avant son déplacement en Nouvelle-Calédonie prévu ce samedi 22 février, le ministre des Outre-Mer, Manuel Valls, a été entendu devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, ce mercredi. Dans son discours, si plusieurs territoires étaient au centre de ses préoccupations, Mayotte a occupé une place importante dans les annonces du ministre d’Etat, avec un projet de reconstruction ambitieux à la clé, suite au passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier. Par ailleurs, l’apaisement des tensions en Nouvelle-Calédonie et la lutte contre la vie chère dans l’ensemble des territoires ultramarins, ont également fait l’objet d’une attention particulière du ministre.
« Sans mesures plus structurelles, nous reconstruirons Mayotte sur du sable »
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Alors que Mayotte peine à se relever des ravages causés par Chido, Manuel Valls s’est rassuré de constater que Mayotte « s’éloignait progressivement de la phase d’urgences vitales« . Le ministre d’État a affirmé que l’adoption du projet de loi d’urgence pour Mayotte, le 13 février 2025, représente un tournant décisif pour amorcer la seconde phase de réponse à cette crise : la reconstruction du territoire. Mais « sans mesures plus structurelles, nous reconstruirons Mayotte sur du sable », a-t-il déclaré, pour annoncer la troisième phase du plan de réponse de l’Etat pour Mayotte après le cyclone : la refondation de l’archipel. Dans ce volet, le ministre a précisé qu’un projet de loi-programme serait présenté « au printemps », « après concertation avec les élus« , pour établir les fondations d’un développement à long terme, portant également des « mesures fermes » contre l’immigration, qu’il a qualifié de « fléau ».
La Nouvelle-Calédonie, « à un moment historique »
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Bien que Mayotte ait été au cœur de son intervention, Manuel Valls a ensuite abordé la situation de la Nouvelle-Calédonie, un territoire à un « moment décisif », selon ses mots. Il a rappelé que le territoire, meurtri par des violences récentes, est à un carrefour historique. « La Nouvelle-Calédonie est à terre économiquement. Les dégâts des violences et des destructions de mai 2024 sont estimés à 15% du PIB et plus de 2 milliards d’euros. 37.000 calédoniens ont été plongés dans le chômage. La Nouvelle-Calédonie est aussi meurtrie. Le sang a de nouveau coulé sur le territoire. Les fractures sont profondes« , a-t-il affirmé.
Dans ce contexte, le ministre a réaffirmé son engagement à œuvrer pour la réconciliation, dans le cadre d’un dialogue inclusif et constructif, en « imposant la paix« . Il a fait appel à l’esprit d’ouverture des différents acteurs pour reconstruire une Nouvelle-Calédonie « unie et indivisible« , tout en poursuivant « le processus de décolonisation » engagé et « en garantissant le droit constitutionnel à l’auto-détermination« .
Lutte contre la vie chère : une question cruciale pour l’unité nationale
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« Le constat est sans appel« , a amorcé le ministre au sujet de la vie chère dans les Outre-mer, où à titre d’exemple, en 2022, l’écart de prix vis-à-vis de l’Hexagone sur l’alimentaire était de 47% à Saint-Martin, 42% en Guadeloupe, plus de 40% en Martinique et en Guyane, plus de 36% à La Réunion et plus de 30% à Mayotte. Le ministre d’Etat a dénoncé un phénomène « insupportable » qui « met en péril la cohésion sociale« .
Pour répondre à cette crise, Manuel Valls a soutenu un « plan de bataille complet et structurel« , construit en cinq axes pour rétablir l’équité dans la chaîne de valeur ultramarine et garantir une répartition plus juste des richesses. Il a précisé que des mesures structurelles seraient mises en place pour faire face aux distorsions économiques liées à l’éloignement géographique, mais aussi aux abus de certaines grandes entreprises. « Je serai intraitable (…) Sans doute faut-il augmenter les saisines possibles, en abaissant les seuils de chiffres d’affaires, à partir desquels il est possible de contrôler les concentrations outre-mer« , a-t-il évoqué. Le ministre a insisté sur le fait que « les efforts doivent être partagés », où du côté des collectivités, « une réforme globale de l’octroi de mer doit être enfin mise sur la table« , a-il-déclaré. En ce qui concerne l’Etat, le ministre voit dans la loi de finances une occasion d' »appliquer une TVA à taux 0 pour les produits de première nécessité », restant à « imaginer un mécanisme permettant de réduire les frais d’approche« , a-t-il expliqué.
Refuser l’ingérence étrangère
Dans un contexte international tendu, « où l’intégrité des territoires ultramarins est remise en cause« , le ministre a aussi abordé la question des ingérences étrangères, en particulier celles de l’Azerbaïdjan, qu’il a fermement dénoncées. Manuel Valls a appelé les députés à « condamner ces pratiques » qui, selon lui, visent à fragiliser la France. Aux élus ultramarins ayant participé à des conférences soutenues par Bakou, il a déclaré : « En vous rendant à ces rencontres, vous n’êtes que des pions d’un jeu diplomatique qui ne sert qu’à nous affaiblir tous.«
Mathilde Hangard