Lors de la première partie consacrée à ce 1er évènement de la santé numérique, nous avions interviewé Yrène Prat, cheffe de projet de l’e-santé à Mayotte.
Dans le domaine des soins d’urgence, les professionnels de santé sont confrontés à de nombreux défis au quotidien, dont la gestion rapide et efficace des cas critiques dont la prise en charge serait facilitée par l’utilisation d’outils numériques performants.
Lorsqu’un patient se présente en situation d’urgence, notamment avec un globe vésical*, une prise en charge immédiate est cruciale. Comme le souligne une infirmière participant à l’événement : « C’est une grande urgence, on le prend en charge tout de suite. » Des outils numériques tels que les téléconsultations intégrées avec des dispositifs médicaux peuvent apporter une aide précieuse. Par exemple : « La possibilité de faire une téléconsultation avec une infirmière qui peut faire un blood scan tout de suite. Le médecin peut prescrire rapidement, et le patient peut aller acheter son traitement ou recevoir le médicament immédiatement s’il est disponible. » Cette approche permet de contourner les délais parfois importants des services d’urgence lorsque ceux-ci sont saturés.
Les professionnels de santé utilisent déjà divers outils numériques qui facilitent leur travail et améliorent la qualité des soins. Parmi eux le blood scan donc, permettant une analyse rapide des paramètres sanguins, le dynamap, utilisé pour surveiller les constantes vitales, l’ECG connecté, offrant une visualisation immédiate de l’activité cardiaque. « Ce sont des outils efficaces pour savoir au moins où est le problème. Ils éclairent sur le diagnostic, et c’est important. » rapporte l’infirmière
De son côté, l’association Ensemble Pour Votre Santé (EPVS) révolutionne l’accès aux soins dans les territoires isolés grâce à la téléconsultation et des équipements médicaux connectés. Avec une approche mêlant technologie et proximité humaine, EPVS s’impose comme un acteur clé de la santé locale.
Une médecine connectée et accessible
« Nous utilisons des dispositifs mobiles pour nous rendre au domicile des patients et des dispositifs fixes pour intervenir dans des structures médicales », explique le centre de santé EPVS. Les équipements incluent des stéthoscopes connectés, otoscopes, sondes, rétinoscopes, lentilles dermatoscopiques, ECG et échographes, permettant une prise en charge dans des spécialités variées comme la médecine générale, la cardiologie, la dermatologie, ou encore la neurologie.
Chaque dispositif offre des performances de haute précision. « Par exemple, avec une sonde, nous réalisons des examens de la carotide ou, grâce à une lentille dermatoscopique, nous analysons des grains de beauté avec une qualité d’image exceptionnelle. »
Les patients sont accueillis dans les centres EPVS où une infirmière, formée aux équipements connectés, les accompagne lors de la consultation. « L’infirmière devient les yeux et les mains du médecin à distance, guidée en temps réel pour réaliser les examens nécessaires », précise l’association. Les consultations à domicile sont également possibles grâce à un sac à dos médical équipé des mêmes outils technologiques. L’EPVS ne réalise pas de téléconsultation directe à distance sans accompagnement.
Sécurité et confidentialité des données
La protection des données patients est une priorité pour EPVS. « Toutes nos liaisons sont sécurisées pour éviter toute interception. Les documents sont transmis via des messageries sécurisées ou intégrés directement dans le Dossier Médical Partagé (DMP). ». Cette rigueur garantit une transparence totale et une protection optimale des informations de santé.
Les téléconsultations d’EPVS ont déjà démontré leur efficacité, notamment en réduisant les évacuations sanitaires coûteuses. « Ces dispositifs permettent à de nombreuses personnes d’éviter des frais de transport et d’hébergement liés à des consultations extérieures »
EPVS reçoit le soutien de l’Agence Régionale de Santé (ARS), qui finance les équipements nécessaires. « Ces outils offrent une solution fiable, reconnue par les médecins eux-mêmes, et répondent à un besoin urgent d’accès aux soins dans les territoires éloignés. »
Le HAD, une coordination innovante au service des patients
À Mayotte, l’Hôpitalisation à Domicile (HAD) porté par MdzHADé – LNA Santé transforme la prise en charge médicale en permettant à près de 50 patients de bénéficier d’une hospitalisation chez eux. Ce service, soutenu par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, infirmières, assistants sociaux et logisticiens, contribue à désengorger les hôpitaux tout en offrant un cadre de soin adapté au domicile.
« L’hospitalisation à domicile repose sur une étroite collaboration avec des partenaires de ville comme les médecins traitants, les infirmiers et kinés libéraux, et les pharmaciens », explique Jwan Ali, responsable qualité. Pour garantir une communication fluide et la protection des données sensibles, l’HAD utilise des messageries sécurisées MSS Santé. Ce système permet de transmettre des documents comme les fiches d’admission, ordonnances et comptes rendus de manière rapide et confidentielle.
Cependant, des défis subsistent : la qualification de l’Identité Nationale de Santé (INS) est complexe pour les patients avec des titres de séjour ou des données incohérentes. De plus, certains professionnels de santé à Mayotte n’utilisent pas encore la messagerie sécurisée, freinant les échanges.
Malgré ces obstacles, le dispositif apporte de nombreux bénéfices. « Nous pouvons alimenter le Dossier Médical Partagé (DMP) et communiquer simultanément avec les professionnels de santé et les patients, tout en respectant la confidentialité », souligne Jwan Ali. Cette coordination permet une prise en charge rapide et efficace.
La collaboration entre HAD et établissements médico-sociaux est essentielle pour assurer la continuité des soins. « Grâce aux outils numériques, nous rationalisons notre organisation et facilitons les échanges sécurisés », explique El-Mahamoudou Chaib, directeur adjoint de MSANDA Mayotte et président de l’Union des services d’aide à domicile de Mayotte. Cette synergie améliore la gestion des bénéficiaires et garantit la confidentialité des données.
Laboratoires et médecins : l’innovation en action
Le laboratoire de biologie MAYOBIO, acteur incontournable sur l’île, a également adopté la messagerie sécurisée. « Avant, les résultats étaient distribués par nos coursiers. Aujourd’hui, nous transmettons directement via MSS Santé, même si tous les professionnels ne sont pas encore équipés », rapporte le Dr Michael Harioly, ingénieur qualité au laboratoire de biologie MAYOBIO.
Les médecins généralistes, comme le Dr Albert Ducastel, président de la CPTS de Petite Terre, utilisent des logiciels compatibles Ségur pour qualifier l’INS et alimenter le DMP. « Cela améliore les échanges avec les spécialistes locaux et métropolitains, garantissant une meilleure coordination des soins. »
Au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), des efforts significatifs ont été réalisés pour intégrer les outils numériques. Omar Hamada, directeur du système d’information et de l’organisation du CHM souligne : « Nos logiciels sont désormais DMP compatibles, permettant l’envoi sécurisé de comptes rendus, images médicales et analyses biologiques. »
Cependant, des défis subsistent, notamment le turnover élevé des équipes et les difficultés à qualifier les dossiers de certains patients. Malgré cela, l’hôpital progresse dans l’adoption de ces nouvelles pratiques.
À travers des initiatives comme le HAD, la messagerie sécurisée et la qualification de l’INS, Mayotte pose les bases d’un système de santé modernisé, respectueux de la confidentialité et adapté aux besoins locaux. Si des obstacles restent à surmonter, l’ensemble des acteurs partage une ambition commune : offrir une prise en charge de qualité et bâtir un avenir médical connecté pour tous.
Nayar SAID OMAR
*La rétention aigüe d’urine