Le premier président du Conseil économique social et environnemental en 2004, était là pour cet anniversaire, et bien entouré : aux côtés de Soulaimana Moussa, Mohamed Toumbou Dani et Harouna Attoumani, revenaient à tour de rôle sur les défis qu’il fallait relever dans cette période « où toutes les énergies étaient tournées vers l’attente de la départementalisation ».
Il faut dire qu’après les débats forts intéressants de la veille sur l’Évaluation des Politiques publiques, cette journée de vendredi était festive autour des 20 bougies, « dans un contexte territorial de fort turnover, le CESEM a fait preuve d’une relative stabilité dans son fonctionnement », se félicitait son président Abdou Dahalani. De son rôle d’information du conseil départemental, de contribution à l’évaluation des politiques publiques régionales, sur lequel nous ne reviendrons pas en détail, les perceptions sont diverses, rapportait-il : « Certains voient le CESEM comme une organisation syndicale, d’autres comme une donneuse de leçons, ça me va bien, nous sommes là pour éclairer le débat public ».
Des opinions qui trouvent leur source dans les orientations parfois politiques des avis ou qui vont à l’encontre de la volonté de l’exécutif en place. Ce fut le cas pour le budget de l’Aide Sociale à l’Enfance que le CESEM aurait bien vu intégrer le budget général bénéficiant ainsi des compensations de l’Etat pour des actions dont une partie avait déjà été engagée, mais que le président Soibahadine maintenait dans un budget annexe pour développer les actions sociales, rejoignant la volonté du gouvernement.
« Liberté, vers l’égalité, fraternité »
Abdou Dahalani rappelait le défilé des schémas et plans qui ont agité les neurones des membres du CESEM : les Etats généraux de l’outre-mer, « dont j’étais le rapporteur général », la Conférence économique et sociale, Mayotte 2025, les Assises de l’Outre-mer, la consultation de la loi Mayotte en 2021. Autant de documents qui ont un point commun : celui de ne pas avoir entériné un calendrier de convergence pour les droits sociaux, les retraites par exemple sont toujours à 50% du national. Mayotte pourrait presque décliner la devise de la France en « Liberté, vers l’égalité, fraternité ». Un cap que tient Abdou Dahalani : « Il faut converger vers l’égalité ».
Si le président Ben Issa Ousseni était absent des deux journées, ce vendredi sa vice-présidente chargée des Finances et des Affaires européennes parlait en son nom, Zamimou Ahamadi : « Il faut engager de véritables démarches prospectives pour envisager le territoire dans 20 ans, dans 50 ans et évaluer les politiques publiques. Cela permet de reconnaitre l’échec, et doit devenir une pratique systématique. »
Ce qui donnait plus d’écho à la requête de Soulaimana Moussa : « Pourquoi alors que nous avons travaillé sur le PADD* il y a 20 ans, le Schéma d’aménagement régional qui devait prendre la suite, n’est toujours pas sorti ?! ».
Alors qu’un des invités Patrick Caré, vice-président du CESE France soulignait l’importance de sa venue, « parce que les médias en Hexagone ne sont pas toujours positifs sur ce qui se passe ici », le préfet François-Xavier Bieuville prenait du recul pour évoquer le CESEM : « C’est un espace privilégié permettant une respiration nécessaire, où le temps s’arrête, autorisant la réflexion sur les grands équilibres du territoire, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, et je pense à la production d’eau notamment, avec l’indispensable usine de dessalement ». Et sur un département où plus de la moitié de la population est mineure, le représentant de l’Etat interpellait : « puisqu’on parle d’évaluation de politique publiques, collent-elles à ce contexte ? Répondent-elles aux besoins du territoire ? »
Mener la réflexion en se dégageant des influences politiques, c’est une autre gageure que notre jeune mais mûr CESEM parviendra à relever.
Anne Perzo-Lafond
*PADD : Plan d’aménagement et de Développement durable de Mayotte