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La viabilité économique des territoires ultramarins au coeur des débats  

La confédération des petites ou moyennes entreprises (CPME) a tenu mardi une conférence autour de la problématique suivante : « Peut-on encore sauver l’économie des territoires ultramarins ? » en la présence de représentants économiques de Mayotte, La Réunion, la Martinique, Guadeloupe et Polynésie Française 

Les derniers mouvements contre la vie chère, les blocages et les grèves qui ont terrassé plusieurs départements d’outre-mer ces derniers mois (notamment à Mayotte en février 2024, en Nouvelle-Calédonie en mai 2024 et enfin en Martinique en septembre dernier) soulignent les fragilités économiques et sociales des territoires ultramarins, qui se renforcent au fil des années. 

Des inégalités persistantes avec l’Hexagone 

Longtemps attachés à une relation quasi-exclusive avec l’Hexagone et plus globalement l’Union européenne, les économies ultra-marines sont encore peu perméables à leur environnement économique régional. Par ailleurs, des écarts conséquents de développement entre les Outre-mer et l’Hexagone sont notables; chaque territoire ultra-marin s’étant construit et renforcé à différentes allures et échelles au fil des années, comme le rappelle François Asselin, président de la CPME.

En février dernier, à Mayotte, des citoyens demandaient au gouvernement français les mêmes moyens de réponse pour lutter contre l’insécurité sur l’île que ceux déployés en Hexagone

Pour preuve, de nombreux rapports du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des études de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) analysent la situation économique, sociale et environnementale de chaque territoire, fournissant des indicateurs notables en matière de développement des territoires, utiles aux entreprises et aux pouvoirs publics. À titre d’exemple, comme évoqué par Sitti-Batoule Saïd Ali, représentante de la CPME Mayotte, la moyenne nationale du PIB par habitant était de 38 975 euros en 2023, contre 8.800 euros à Mayotte, soit quatre fois plus faible qu’en hexagone et deux fois plus faible que dans les autres départements-régions d’outre-mer. Par habitant, le PIB mahorais accuse un retard de 60 ans par rapport à l’hexagone. 

De même, comme le rapporte chaque mois l’INSEE, les écarts de prix entre les territoires ultra-marins et l’hexagone sont très importants. En 2023, ces écarts sur les prix se situaient entre 8% et 15% entre les territoires d’outre-mer et l’hexagone. Sur les produits alimentaires, ces écarts étaient encore plus élevés. À Mayotte, cet écart avait été estimé à 30% en 2023 et jusqu’à 40% en Martinique et 42% en Guadeloupe. Dans un rapport du CESE, des citoyens interrogés expliquaient devoir renoncer à des dépenses quotidiennes alimentaires pour survivre financièrement. 

Une dépendance économique avec l’Europe « qui n’est pas toujours cohérente »

Dominique Vienne, en charge des CPME océaniques au sein du comité exécutif de la CPME rappelle que malgré les distances entre l’Hexagone et certains territoires ultra-marins, tels que les 15 897 kilomètres qui séparent la Polynésie française de la métropole ou les 9 201 kilomètres de distance avec l’île de La Réunion, près des deux tiers des échanges commerciaux des territoires ultra-marins se font avec la France hexagonale. Hérité d’un système économique colonial, ces territoires ont conservé une obligation de commerce exclusif avec l’Hexagone, où certains territoires ont fourni des matières premières agricoles ou minières à l’Hexagone en échange de produits industriels. « Ce serait plus intéressant de travailler parfois avec des états ou territoires de notre cercle régional plutôt que de traiter avec l’Europe qui n’est pas toujours cohérente », estime un représentant de PME. 

Martinique, émeutes, vie chère, CDC,
Dans un rapport de la Cour des comptes sur les effets de l’octroi de mer entre 2014 et 2022, celle-ci déclarait que cette taxe « contribue mécaniquement à renchérir le niveau de prix » (photographie/émeutes Martinique septembre 2024/DR)

Pour compenser un retard de croissance au sein de ces territoires, la politique française a longtemps mis en place certains outils dits « compensatoires » pour soutenir l’économie des outre-mer, tels que la défiscalisation, la mise en place de l’octroi de mer ou encore une rémunération plus attractive pour les fonctionnaires de l’État. Insuffisants ou extrêmement couteux, ces outils montrent aujourd’hui leurs faiblesses comme le commentent certains acteurs de la conférence. Cette sur-rémunération est coûteuse pour le budget de l’État et contribue au phénomène de vie chère, en surévaluant artificiellement les économies ultramarines.

La formation professionnelle au coeur des enjeux

Pour Céline Rose, présidente de CPME Martinique, l’enjeu économique et social du territoire martiniquais repose surtout l’attractivité du territoire. « L’attractivité, notamment auprès des jeunes car la population est vieillissante. Je dis souvent que si vous réussissez chez nous, vous réussissez partout, il faut considérer que notre territoire est un territoire d’expérimentation. Nos entreprises sont proactives, nous devons encore nous structurer, notamment au niveau des micro-entreprises car nous sommes des jeunes peuples d’entrepreneurs. Il faut que ce soit pris en compte. »

Mayotte, CRIJ, service civique, formation, emploi, insertion professionnelle,
D’après l’INSEE, Mayotte reste le département d’Outre-mer le plus touché par le chômage

Dans le même esprit, le président de la CPME Réunion a déclaré que malgré « des collèges et universités à La Réunion, dynamiques et avant-gardistes, on n’arrive pas à mettre en oeuvre des cycles de formation continue, les jeunes cherchent souvent à s’exporter en hexagone pour finir leur cursus. » Pour l’entrepreneur, le repli sur l’hexagone serait loin d’être « le chemin le plus rapide que de calquer les modèles de la métropole à La Réunion ». Dans ce contexte, certains chefs d’entreprise demandent « une continuité territoriale » entre leurs territoires ultra-marins et l’Hexagone pour pallier ces inégalités de développement et ces inégalités des chances. « 45% des jeunes ultra-marins n’arrivent pas à un poste de cadre supérieur. Un jeune ultra-marin va être dans un foyer qui ne peut pas l’accompagner financièrement et donc il ne pourra pas accéder à ces postes. C’est un enjeu d’équité financière et sociale », plaide-t-il.

Mais dans un contexte géopolitique particulièrement tendu aux quatre coins du globe, les territoires ultra-marins constituent plus que jamais des zones stratégiques et convoitées, la puissance ultra-marine de la France, malgré elle, se retrouve au centre d’enjeux géopolitiques et économiques mondiaux, auxquels le pays va devoir faire face et certainement rebattre ses cartes.

Mathilde Hangard

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