À l’occasion d’une seconde journée dédiée à la 11ème édition des Journées Périnatales de Mayotte, la thématique de la grossesse et des maladies infectieuses a été abordée sous différentes formes. Outre la prise en charge médicale des maladies infectieuses en cas de grossesse, la prise en charge d’un nouveau-né, la gestion de la prématurité, les rites mahorais autour de la naissance à Mayotte et la place du père dans la parentalité à Mayotte ont été au coeur des échanges.
Symbole de l’autorité, de la distance et de l’insensibilité, l’image associée au père a longtemps été celle d’une personne infaillible. Pure construction sociétale, l’évolution des mœurs a démontré qu’un père avait autant sa place qu’une mère, dans toutes les dimensions de la parentalité, qu’elle soit matérielle, psychologique, morale, culturelle et sociale. Pour comprendre cette vaste thématique, nous avions échangé quelques semaines plus tôt, avec Mohamed Saidi, le coordinateur du réseau local d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents mahorais (REAAP) de Mayotte, qui estimait qu’au fil du temps, les rôles des parents et notamment des pères avaient évolué au sein des familles.
Le père a besoin de reconnaissance pour s’émanciper
Jeudi 7 novembre, à l’hôtel Sakouli, Malika Bouti, conseillère conjugale et familiale au sein des protections maternelles et infantiles (PMI), interroge les professionnels de santé : « Durant les consultations périnatales avec les professionnels de santé et les premiers entretiens avec la conseillère conjugale, les hommes et les pères sont peu présents. Pourquoi ? » D’après la spécialiste des situations conjugales et familiales, cette absence serait involontaire, voire maladroite. Un père aurait avant tout besoin de reconnaissance, comme condition sine qua non de son émancipation, à quatre niveaux : la reconnaissance de l’enfant, de la mère, de la famille et même de la société.
« Le père est toujours présent, même quand il est absent »
La conseillère conjugale et familiale admet que l’arrivée d’un enfant représente un défi immense pour les parents, qui glissent vers une co-parentalité pas toujours simple à articuler. Le couple doit adapter sa vie conjugale, en faisant une place à une tierce personne. D’où l’importance, d’une préparation de cette étape en amont. Pour Malika Bouti, le nouveau trio commence souvent à se construire avant la venue de l’enfant, pendant le suivi de grossesse, l’accouchement et le post-partum, où le père a toute son importance. Même lorsqu’il est absent, le père existe. Tenir à l’écart ou à distance un père, ne le supprime pas. « Le père est toujours présent, même quand il est absent. » Dès la conception de l’enfant, le père existe. D’après la conseillère conjugale et familiale, il peut être utile parfois d’aider un père à trouver sa place : « Nous entrons alors dans une démarche de soutien à la parentalité. »
Mais qu’est-ce qu’un « bon père » ?
Certains pères interrogés répondent souvent qu’un bon père est une personne « présente pour ses enfants, pour la famille », qui peut « satisfaire à leurs besoins », qui « accompagne les enfants à l’école » et « qui montre l’exemple », voire « qui protège ». Pour Malika Bouti, c’est autour de tous ces qualificatifs que se joue la place d’un père, dès la conception de l’enfant jusqu’à sa construction en tant qu’individu puis en tant qu’adulte. « Lors de l’accouchement, pour beaucoup d’hommes, c’est l’occasion d’une prise de conscience de l’accès à la paternité ou tout au moins, d’une consolidation du sentiment de devenir père. Lors des entretiens conjugaux et parentaux, il est important de rappeler la place de chacun dans la participation et l’implication des deux parents, non seulement dans la conception, mais aussi dans l’attente et la préparation à l’arrivée de l’enfant. » Pour elle, être responsable ce n’est pas seulement, être responsable au sens matériel du terme, mais aussi au sens affectif et humain, dans la gestion de tâches du quotidien sans grande importance, qui ont pourtant toute leur importance dans le développement harmonieux d’un enfant.
Pour Malika Bouti, lors de cette 11ème édition des Journées périnatales, cette thématique autour de la parentalité, a été l’occasion « d’ouvrir une réflexion sur cette place de père de façon universelle et encore plus à Mayotte » pour permettre aux parents d’être plus apaisés dans le rôle et aux enfants d’être mieux compris, accompagnés et protégés. La conseillère conjugale et familiale reste « convaincue que cette place (ndlr : de père) nous pouvons la faire évoluer déjà dans nos représentations. »
Mathilde Hangard