Cette profession paramédicale d’orthoptiste encore trop méconnue à Mayotte, centrée sur l’œil, permet le dépistage, la rééducation, la réadaptation et l’exploration de la fonction visuelle. Et de tous les âges, du nourrisson à la personne âgée.
Lors du lancement des inscriptions en 2023, une conférence de presse avait permis d’informer les futurs bacheliers en présence du docteur Jean-Bernard Rottier, qui est à l’origine de la création de deux centres de consultations oculaires dématérialisées à Bandrélé et Hamjago. Six jeunes avaient alors intégré la formation.
Un an après, nous avons fait le point avec le professeur Matthieu Robert, professeur des universités à Paris Cité, directeur adjoint du département orthoptie, qui exerce à l’Hôpital Necker-Enfants malades. S’il se réjouit que sur les 6 bacheliers à avoir intégré la formation, 3 passent en 2ème année, il juge qu’un déficit d’information pourrait freiner ce dynamisme : « Nous sommes heureux que la 1ère promotion d’étudiants en orthoptie soit lancée, mais cette formation doit être davantage mise en avant. Nous avons 6 places à pourvoir, avec des études financées et des étudiants chouchoutés par un étroit partenariat entre les acteurs ». Qui sont l’ARS Mayotte, le Conseil départemental, l’université Paris Cité, l’université de Mayotte, LADOM, la CADEMA et le rectorat.
Un métier en plein boom

Il ne suffit pas que 6 futurs bacheliers postulent sur le portail Parcoursup, ils doivent aussi passer les sélections : « Ils ont plusieurs choix à cocher, en sachant que les profils scientifiques sont à privilégier, car la partie théorique des études fait la part belle à la biologie et à l’optique. Il y aura donc une sélection des dossiers. » Les futurs bacheliers sont donc invités à s’orienter vers cette filière, « il faut être motivé par le métier en soi ».
Le métier justement, est mal connu, alors qu’il est en plein boom depuis ces 50 dernières années. « Classiquement, l’orthoptiste effectue un bilan des troubles oculomoteurs, comme le strabisme, et met en place leur rééducation. » En clair, avant, quand une personne louchait par exemple, on lui mettait des lunettes, n’intervenaient alors que l’ophtalmologiste (qui effectue le diagnostic) et l’opticien (qui conçoit les lunettes). L’orthoptiste se glisse entre les deux, et permet un travail de rééducation de l’œil.
Une profession dont le champ d’action s’est considérablement élargi ces 10 dernières années, détaille le médecin : « L’orthoptiste effectue un dépistage des problèmes visuels chez l’enfant et l’adulte, mais réalise aussi un ensemble d’imageries de l’œil avec des techniques perfectionnées, et pratique également la réfraction qui mesure la convection optique. Il peut aussi accompagner les adultes et les enfants à la réadaptation de leur vue. »
Les troubles de la vision sont suffisamment importants à Mayotte pour occuper ces futurs orthoptistes à plein temps : myopie, hypermétropie, glaucome, cataracte, dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), « la discipline s’intéresse aussi à la partie du cerveau liée à la vision, en collaboration bien sûr avec l’ophtalmo et l’opticien. »
Garantie de l’emploi

Les candidats qui auront la chance d’être sélectionnés intègreront la 1ère année à l’université Paris Cité, « avec les frais pédagogiques, de transport, d’installation pris en charge par le Conseil départemental, sans compter les stages à l’hôpital rémunérés. Et je peux vous dire pour en avoir été témoin, que le Conseil départemental les entoure de près ». Ensuite, les étudiants suivent la 2ème année depuis le Campus connecté d’Hajangua, « ils alternent entre les stages à Mayotte et les cours à Paris à distance. Avec cela, ils auront une meilleure connaissance de la santé visuelle de la population. » A l’issue, leur sera délivré un certificat de capacité d’orthoptistes, l’équivalent d’une licence. « Et ils sont certains de décrocher un emploi, tant la demande est forte ! »
Alors qu’au national, on peut compter sur 8 orthoptistes pour 100.000 habitants, à Mayotte, ils ne sont que 4, soit un peu plus d’un pour 100.000 habitants.
Ils pourront exercer en centre hospitalier, en cabinet libéral en indépendant ou en association avec un ophtalmologue.

A Mayotte, les étudiants peuvent bénéficier d’équipements perfectionnés lors de leur stage, assure-t-il : « Le service d’ophtalmologie du CHM utilise du beau matériel, c’est dommage qu’il n’y ait pas assez de personnel », déplore celui qui est actuellement à Mayotte en mission de renfort. Du matériel qui équipe également les centres de Hamjago et de Bandrélé.
Il l’a observé, « les jeunes qui s’engagent dans cette voie passionnante vont être très soutenus par les partenaires qui l’ont mise en place ». Une bonne vision d’avenir.
Anne Perzo-Lafond