Lors d’élections, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) reçoit, examine et publie les comptes de campagne des candidats et candidates. Elle contrôle notamment le financement des dépenses de campagne et le respect du plafonnement des dépenses. La commission fixe le montant du remboursement forfaitaire des dépenses électorales dû à chaque candidat ou candidate en tenant compte de l’avance forfaitaire d’un montant de 200.000 euros versée par anticipation à la suite de la publication de la liste officielle des candidats et candidates. De l’argent public dûment contrôlé.
Car en contrepartie, tous les candidats et candidates têtes de liste qui ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou bénéficié de dons de personnes physiques, doivent déposer un compte de campagne. Ce compte de campagne retrace l’origine des recettes perçues et la nature des dépenses engagées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Or, Mouslim Abdourahaman n’a pas déposé de compte de campagne, alors qu’il avait obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du premier tour des sénatoriales le 24 septembre 2023.
La CNCCFP a donc saisi le Conseil constitutionnel comme c’est la règle, qui a statué lors de sa séance du 19 septembre 2024 présidée par Laurent Fabius : « M. Mouslim Abdourahaman est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ».
Un élu fâché avec les comptes quand il fait son marché
Il n’est pas le seul à tomber sous ce couperet, de nombreux autres candidats en France subissent le même sort, et à Mayotte, Siaka Mahamoudou, conseiller en insertion, et moins connu du paysage politique ici, est condamné à la même peine d’inéligibilité de 3 ans.
Si c’est un coup de tonnerre pour Mouslim Abdourahaman, c’est qu’il est également maire de la commune de Boueni. Pour autant, l’élu ne devrait pas être inquiété pour son actuel mandat, l’alinéa 2 de l’article cité ci-dessus précisant que « L’inéligibilité déclarée sur le fondement du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s’applique à toutes les élections. Toutefois, elle n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. » Cela implique par contre qu’il ne pourra se représenter à sa propre succession lors des prochaines municipales en 2026.
Le maire avait d’ailleurs eu quelques soucis avec la justice puisque placé en garde à vue en février dernier à la suite d’un rapport de la Chambre régionale des comptes soulignant une « méconnaissance du code des marchés publics », avec des constats de saucissonnage de marchés pour éviter la mise en concurrence.
Anne Perzo-Lafond