Condamné notamment à deux ans de prison dont un avec sursis, et 4 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour prise illégale d’intérêt lors de la passation de marché pour la CADEMA, la Communauté d’Agglomération Dembéni Mamoudzou, Rachadi Saindou avait été écarté de sa présidence. Des élections s’étaient aussitôt tenues après que le préfet a pris un arrêté de démission d’office de l’élu.
L’ancien élu conteste cette décision ainsi que les élections du 11 juillet 2024 qui s’ensuivaient, portant Moudjibou Saïd, le maire de Dembéni, à sa présidence, assisté comme 1er vice-président par Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou.
L’affaire était jugée ce mardi au tribunal administratif, ou plutôt les affaires, car Rachadi Saindou contestait à la fois la tenue des élections, son remplacement par Saïd Soufou comme conseiller communautaire et son remplacement par Boura Chadhuli comme conseiller municipal de Dembéni.
D’emblée, le rapporteur public, qui livre son analyse juridique du dossier pour orienter la décision du tribunal, faisait référence à la jurisprudence pour soutenir que la décision du préfet était légale : « Un membre d’un conseil municipal privé de son droit électoral ou condamné au pénal doit être considéré par le préfet comme démissionnaire d’office ». Les élections doivent alors se tenir « dans un délai de 15 jours », ce qui fut le cas. Il n’y aurait donc pour lui « pas d’ingérence dans la libre administration des collectivités territoriales » de la part du préfet. Et glissait que le grief de Rachadi Saindou semblait se porter davantage contre l’arrêté préfectoral que contre la tenue des élections, un argument qui va s’avérer central.
L’arrêté du préfet ou les élections… chacun son choix
Car le conseil de Rachadi Saindou, Me Thierry Gangate, du barreau de Saint-Pierre (La Réunion) levait deux objections soulevant l’étonnement sur le visage du rapporteur public : « Votre juridiction est dessaisie pour n’avoir pas statué dans les deux mois qui suivait l’arrêté du préfet, c’est donc au Conseil d’Etat maintenant de livrer son avis. De plus, la loi permet deux cas de démission d’office d’un élu, une inéligibilité mais qui ouvre droit à un recours suspensif, ou une condamnation pénale définitive, or ce n’est pas le cas, il y a exécution provisoire de l’inéligibilité et son recours est suspensif. Cela soulève une Question Prioritaire de Constitutionnalité. Le préfet ne pouvait pas s’immiscer dans la libre administration des collectivités territoriales pour organiser les élections. Nous demandons donc l’annulation des élections, Rachadi Saindou n’aurait pas dû être remplacé. » Il reprochait au tribunal de ne retenir que les conséquences de l’arrêté du préfet, c’est-à-dire les élections, et non l’arrêté en lui-même qu’il juge illégal.
Pour Me Saïd Ibrahim qui intervenait pour la CADEMA, l’argumentaire de la partie adverse porte sur un recours électoral, « or, on voit bien que c’est l’arrêté du préfet qui est visé. De plus, la condamnation est bien considérée comme définitive, et non pas provisoire. » Il nous faisait part de l’enregistrement du recours du plaignant le 16 juillet, pour une audience qui s’est tenue ce 10 septembre, « donc moins de deux mois après ». Quand Me Gangate soutient que le dessaisissement date du 8 septembre dernier en prenant comme date de référence celle de l’arrêté du préfet.
Verdict dans quelques jours, indiquait Thierry Sorin, président des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte
Anne Perzo-Lafond