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Mamoudzou

Tribunal judiciaire : De la « chimique » pour faire pousser ses tomates !

Quatre prévenus ont été jugés en comparution immédiate ce lundi 15 juillet. Le procès a tenté de déterminer leur degré d’implication dans un réseau de passeurs d’immigrés clandestins, mais aussi de stupéfiants, entre Anjouan et Mayotte.

Quatre prévenus se sont retrouvés ce lundi après-midi au tribunal de Mamoudzou suite aux conclusions d’une enquête ouverte le 31 mai 2023. Ce jour-là, un taxi clandestin a été contrôlé par les autorités révélant la présence de 8 Comoriens en situation irrégulière tout juste arrivés sur le territoire. Interpelé, le chauffeur s’est montré prolixe lors de ses auditions et a donné plusieurs noms de personnes impliquées dans un réseau de passeurs très bien organisé. Ni une, ni deux, les enquêteurs ont mis les lignes téléphoniques des personnes incriminées sur écoute et les conversations recueillies ont été plus qu’instructives, amenant finalement les autorités à recueillir suffisamment de preuves pour les arrêter. Ces conversations tendaient en effet à confirmer, du moins pour les enquêteurs, leur implication dans un réseau de passeurs d’immigrés clandestins, de stupéfiants et de cigarettes de contrebande entre Anjouan et Mayotte.

Me Fatima Ousseni a tenté de faire annuler la comparution immédiate, en vain.

Me Fatima Ousseni, l’avocate de l’un des prévenus, a tenté de faire annuler ce procès (qui avait déjà été renvoyé une première fois) en invoquant certaines irrégularités dans les retranscriptions des écoutes téléphoniques. Dans son argumentaire, elle a évoqué le fait que plusieurs notes spéculatives avaient été intégrées par les enquêteurs, notamment au sujet du « code » utilisé par les passeurs lors de leurs conversations téléphoniques. Nous avons ainsi appris que la phrase « j’ai pêché 13 kg de thon aujourd’hui » pourrait signifier, par exemple, en « code de passeur », « j’ai passé 13 clandestins aujourd’hui ». L’avocate a donc pointé du doigt le caractère possiblement trompeur des transcriptions finales, non signées par un interprète. Mais la substitute du procureur a répondu point par point à l’avocate et aucun motif de nullité n’a finalement pu être retenu.

« La chimique, c’était pour faire pousser mes tomates »

Le premier prévenu à être « cuisiné » par le tribunal était soupçonné d’être à la tête du réseau en remplacement de son frère actuellement en prison à Anjouan. Lors d’une perquisition faite à son domicile, les policiers ont trouvé de la résine de cannabis, de « la chimique », ainsi qu’un cahier où figuraient des noms de personnes associées à des sommes d’argent. Lors de son audition, A.D. a avoué aux policiers son implication dans le réseau de passeurs entre Anjouan et Mayotte ainsi que dans le trafic de drogue. Mais il est revenu totalement sur ses déclarations au tribunal, arguant que les policiers l’avaient « forcé et menacé » en garde-à-vue. La phrase ubuesque « j’ai dit ça comme ça »  est revenue plusieurs fois sur ses lèvres, lorsque la juge lui lisait le rapport de ses auditions en garde-à-vue, mais également lors des transcriptions de ses écoutes téléphoniques.

PAF, Mayotte
Interceptions de tentatives d’entrée dans le Nord (Photo d’archive : PN976)

Concernant ces dernières, l’interrogatoire a légèrement viré au comique pour l’auditoire. « En français on dit « produit chimique » mais en comorien ça s’appelle « engrais » et c’est pour faire pousser mes tomates », a-t-il notamment déclaré quand la juge lui lisait les retranscriptions de ses conversations dans lesquelles il évoquait assez clairement un trafic de la fameuse drogue « chimique », qui fait des ravages auprès des jeunes (et moins jeunes) de Mayotte. Paradoxalement, il a avoué devant le tribunal que la « chimique » retrouvée chez lui lors de la perquisition était bien destinée à être revendue à des fumeurs. « C’est un ami qui me l’a donnée pour que je la revende. Il savait que je galérais pour subvenir aux besoins de ma famille alors il a voulu m’aider », a-t-il déclaré. Autre excuse donnée par le prévenu pour justifier le contenu douteux de ses conversations téléphonique : ce n’est pas toujours lui qui parlait sur son propre téléphone, il était parfois utilisé par d’autres personnes. L’interrogatoire a duré un certain temps, mais A.D est resté sur ses positions. « Je n’ai rien à voir avec tout ça » a été le maître-mot de ses réponses.

Les trois autres prévenus ont globalement tenu la même ligne de défense. Les avocats ont mis en avant une mauvaise interprétation du comorien lors des écoutes téléphoniques ainsi que le fait que les sommes d’argent soi-disant perçues ne correspondaient pas à leur train de vie véritable. Ce qui n’a pas empêché la substitute du procureur de requérir 6 ans de prison ferme pour « le chef » et 3 ans pour les autres. Nous saurons d’ici demain si le tribunal aura suivi ou non ces réquisitions.

N.G

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