Fin de « la tolérance » pour les bars-restaurants de Mayotte

La fermeture du restaurant « Chez Cousin » le mois dernier a provoqué une vague de peur chez les propriétaires des bars-restaurant de l’île. Certains établissements ont même fermé sans injonction, de manière préventive. Le point sur la règlementation en vigueur dans le secteur avec Charles-Henri Mandallaz, le président de l’UMIH.

Qu’il est loin le temps où le promeneur ressentant « un petit creux » pouvait s’asseoir en bord de route pour déguster brochettes et « chaoulas » à n’importe quelle heure du jour et parfois même de la nuit. Où l’on trouvait des cannettes de bière rangées à côté des boîtes de sardines dans les doukas. L’Etat a décidé de sévir et de veiller désormais à faire appliquer la règlementation officielle en vigueur dans le 101ème département français. Si beaucoup de restaurateurs et de clients ont le sentiment que cette nouvelle « sévérité » de l’Etat a été déclenchée par « l’affaire Cousin », Charles-Henri Mandallaz, le président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), nous révèle qu’en réalité les contrôles se sont intensifiés dès ce début d’année. « Cela paraît brutal et soudain à certains, mais en réalité c’est simplement la norme dans un département français », estime-t-il.

Hotel, restaurant, Mayotte, UMIH
Charles-Henri Mandallaz, le président de l’UMIH

Si Mayotte est censée appliquer la même règlementation que dans l’Hexagone depuis 2011, date de sa transformation en département français, il est vrai que l’Etat avait jusque-là été plutôt tolérant avec les gérants des bars-restaurants. « Dans les années 80-90, des licences avaient été distribuées un peu à l’emporte-pièce même dans les doukas des villages, mais l’arrêté préfectoral du préfet Seymour Morsy de 2014 règlementait déjà normalement la vente d’alcool sur le territoire », explique le président du syndicat patronal. Cet arrêté avait notamment été édicté pour pallier au danger que représentait une « vente sauvage » d’alcool dans les villages pour la jeunesse. Si elle n’est pas l’unique responsable, l’ébriété contribue cependant largement à la perpétuation d’actes de délinquance comme nous pouvons le constater presque chaque semaine au tribunal correctionnel de Mamoudzou. « Il est vrai que jusque-là il y a eu peu de contrôles et d’accompagnement des professionnels pour aider les gérants à effectuer la transition, mais avec toutes les problématiques dont souffre Mayotte je peux comprendre que ce n’était sans doute pas la priorité », analyse Charles-Henri Mandallaz.

Vers la convergence sociale

UMIH976, bars-restaurants de Mayotte
La « tradition » des brochettis de bord de route disparaît progressivement au profit d’établissements respectant la règlementation en vigueur

« Je peux comprendre que l’application des règles départementales supprime certains « marqueurs culturels et sociaux » de notre île, qui faisaient une partie de son charme, mais il faut comprendre que professionnellement on était complètement hors-sol jusque-là », déclare le président du syndicat patronal. Il ajoute que « ce sont les règles qui régissent le statut de département tant souhaité par la population mahoraise ». Bonne nouvelle cependant : si l’Etat commence par le négatif, une stratégie très remise en cause par une partie de la population, il semblerait que la convergence sociale progresse également de jour en jour. « Le secteur est en train de se structurer en ce moment. L’application de la convention collective des HCR (Hôtels, Cafés, Restaurants) à Mayotte est actuellement en discussion. Mais pour qu’elle soit appliquée à Mayotte, il faut que les règles soient respectées », explique Charles-Henri Mandallaz.

Cette convergence sociale pour les salariés ne va pas sans des frais supplémentaires pour les entreprises. Pour éviter que les plus fragiles ne « volent en éclat », les syndicats patronaux sont en train de négocier un accompagnement de la part de l’Etat. « La convergence sociale est une demande parfaitement légitime, mais il faut également éviter l’agonie des entreprises d’autant plus que nous avons essuyé crises sur crises ces dernières années et que la crise de l’eau est loin d’être terminée », affirme le président de l’UMIH. « Ce n’est que si l’Etat nous accompagne correctement que nous pourrons avancer petit à petit sur le calendrier », conclut-il.

Nora Godeau

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