À la fin du mois de mai, les praticiens hospitaliers du CHM avaient déposé un préavis de grève pour le lundi 10 juin 2024, en raison du dysfonctionnement majeur du service des Urgences, de la démission de sa cheffe, Alimata Gravaillac, et plus généralement, du « manque d’attractivité des statuts des praticiens hospitaliers à Mayotte ». Mauvais timing cependant puisque la dissolution de l’Assemblée nationale, décidée par le Président de la République, a fait plonger les instances de l’Etat dans des projections incertaines et de nombreux dossiers ont été interrompus.
Dans ce contexte, le Syndicat des praticiens hospitaliers de Mayotte a annoncé que le préavis de grève était suspendu et qu’il serait reconduit en septembre prochain. Néanmoins, qui dit suspension, ne dit pas abandon des discussions, notamment sur le sujet des primes perçues par les pédiatres et les gynécologues. Le Dr. Muszlak, pédiatre hospitalier et secrétaire général du Syndicat des praticiens hospitaliers de Mayotte, semble confiant pour un aboutissement favorable : « Les arbitrages sur les primes sont toujours en cours », nous explique-t-il.
Pour le pédiatre, bien que les primes aient été l’élément déclencheur de ce préavis de grève, c’est surtout le « manque d’attractivité des statuts des praticiens hospitaliers à Mayotte » qui fragiliserait l’hôpital et ses services, en ayant recours à des contractuels mobilisés sur une courte période, alimentant le turnover au sein des équipes et avortant les projets de fond du système de soins. « On n’a pas beaucoup d’armes d’attractivité à Mayotte car la situation est tellement difficile (…) On essaie de rehausser le statut des praticiens titulaires à Mayotte pour avoir des médecins sur place de longue durée car fonctionner uniquement avec des remplaçants c’est très compliqué, ça déstabilise les services (…) Cela fait plus d’un an que l’on essaie d’attirer l’attention des instances sur le manque d’attractivité des statuts des praticiens à Mayotte. »
Faute d’y parvenir, et cumulé aux différentes crises gangrenant le territoire, de nombreux praticiens ont quitté Mayotte. « Sur les huit pédiatres que nous avions, quatre sont partis, il n’en reste plus que quatre, en raison de la crise des barrages, l’insécurité, la crise de l’eau », commente le Dr. Muslak. L’objectif du syndicaliste a donc été de négocier en faveur d’une augmentation de l’attractivité des statuts des praticiens hospitaliers, pour lutter contre le recours systématique à des médecins remplaçants, dans un contexte où « les conditions de vie à Mayotte sont devenues plus difficiles. » Par ailleurs, les avantages dont disposent les médecins remplaçants, venus renforcer les équipes du CHM, qui disposeraient d’une voiture de fonction et d’un logement mis à disposition par l’hôpital, ont été pointés du doigt par les praticiens hospitaliers, qui n’en disposaient pas. Si le Dr. Muslak estime que se loger et se véhiculer peuvent être des paramètres « normaux » à intégrer lors d’une prise de poste, cette logistique serait très compliquée à Mayotte, ne rendant pas le recrutement de praticiens hospitaliers attractif.
François Braun au secours des Urgences de Mayotte
Si les travaux engagés entre le CHM et les instances nationales sur le statut des praticiens hospitaliers ont été perturbés par le calendrier électoral, la direction du CHM et la direction de l’ARS Mayotte, ont fait appel à François Braun, ancien Ministre de la Santé et de la Prévention, et Président du syndicat français de médecine d’urgence, SAMU – Urgences de France, de 2014 à 2022, pour répondre à la crise des urgences de l’hôpital mahorais. L’expert des urgences s’est rendu à Mayotte du dimanche 16 juin au mardi 18 juin dernier. Pour le directeur du CHM, Jean-Mathieu Defour, « l’objectif était de faire venir François Braun pour l’amélioration du système des urgences et notamment le management. » Reparti à Paris mardi soir, François Braun devrait soumettre des propositions d’organisation du service des urgences du CHM pour « retrouver de la sérénité dans le service » espère Jean-Mathieu Defour, mais surtout pour « recentrer les médecins urgentistes sur leur coeur de métier avec l’aide des autres services, comme la réanimation, la médecine, la chirurgie, afin de décharger les médecins urgentistes de tout ce qui ne correspond pas à des urgences. »
Si le service des Urgences n’a toujours pas de chef, depuis la démission du Dr. Gravaillac, la nouvelle recette pour un service apaisé devrait être transmise par François Braun d’ici la fin de la semaine.
Mathilde Hangard