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Mamoudzou

8 mars au CHM : Bouéni Hima*

Vendredi, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) a organisé une conférence débat sur la place des femmes en milieu hospitalier à la MJC de Mamoudzou. 

C’est le Directeur des soins, Aynoudine Salime, qui a ouvert cette journée par une brève allocution avant de s’éclipser : « C’est un honneur pour moi que d’ouvrir cette journée dédiée aux droits des femmes (…) Si j’ai cette place aujourd’hui, c’est grâce aux femmes de ma vie qui m’ont toujours encouragé. » 

Cette matinée a été l’occasion de revenir sur certains parcours de femmes exerçant à l’hôpital de Mamoudzou, fruit d’un hasard ou d’une vocation, toutes restent animées par le même désir, celui de prendre soin d’autrui. 

« Avant le CHM, c’était la maison de tout le monde »

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Sophia Hafidhou et Arlette Bompoint lors d’une conférence organisée par le CHM à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2024 à la MJC de Mamoudzou

Lors d’une table ronde « Femme et ambitieuse, l’héritage de nos ainées », Sophia Hafidhou est revenue aux prémices de son parcours professionnel. En 1988, après avoir obtenu son diplôme d’état d’infirmière en métropole, Sophia rentre à Mayotte et franchit la porte du CHM : « J’ai mis mes cours de la métropole en pratique en me formant sur le tas ». La description du CHM faite par Sophia près de 36 ans auparavant est saisissante : « Avant le CHM, c’était la maison de tout le monde. Il y avait beaucoup de gens compétents dans des domaines très variés, certains exerçaient plusieurs métiers en une seule journée (…) Les garde-malades étaient à la tâche, ils lavaient le linge de leurs proches malades dans la cour de l’hôpital, étendaient le linge, se relayaient pour apporter à manger (…) A un moment, il est devenu nécessaire de réduire le nombre de personnes extérieures qui venaient rendre visite aux malades. Très vite, l’hôpital qui était comme une maison, dans la tradition des choses, est devenu le lieu des femmes (…) De mon temps, les femmes étaient naturellement assignées à tes tâches de soins. Le métier d’infirmière était la position toute faite d’une femme. » 

Dès son arrivée au CHM, Sophia a dû endosser un rôle d’encadrante : « A Mayotte, beaucoup de choses s’apprennent sur le tas. Mais pour l’époque, une infirmière, qui devait former les nouveaux arrivants et participer à l’organisation du service, était une fonction importante permettant de gagner rapidement en responsabilité. »

Passionnée de musique et de danse, Arlette Bompoint est devenue infirmière « par hasard » : « Je suis rentrée à l’hôpital par la petite porte, j’avais besoin d’un revenu complémentaire et j’ai commencé à exercer comme aide-soignante. » Comme Sophia Hafidhou, elle a appris sur le tas, a repris des études et est devenue infirmière jusqu’à devenir cadre de santé : « C’est en observant chaque jour Sophia Hafidhou que j’ai su que je voulais devenir infirmière. » 

Lorsqu’elle est arrivée au CHM en 2003, Arlette Bompoint n’était jamais venue à Mayotte. Elle plaisante en disant qu’elle a « essayé de bronzer mais rien n’y fait », pourtant aujourd’hui, vingt ans après, elle se sent comme une mahoraise. « Mayotte c’est chez moi (…) Les femmes mahoraises ont un grand sens de l’accueil (…) J’ai été soutenue par des femmes mahoraises qui m’ont beaucoup appris (…) J’ai retrouvé chez mes collègues mahoraises du CHM une tolérance que je n’avais jamais vue ailleurs (…) Il y a du courage et de la détermination chez les femmes mahoraises, qui a toujours suscité mon admiration. »

Encourager les femmes à faire des études longues 

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Dans le public, une femme se lève, prend la parole et explique à quel point elle a dû se battre pour étudier et choisir son avenir professionnel

A quelques mois de la retraite, Sophia aimerait que la jeune génération « ne s’arrête pas aux problèmes » et dire aux jeunes que malgré les difficultés de la vie, les problèmes peuvent aussi être un moyen de s’endurcir pour avancer : « Si tu as cogné la pierre sur la route, après tu vas marcher droit et éviter de te blesser à nouveau. » 

A l’avenir, Sophia souhaiterait que les femmes n’aient plus peur de s’engager dans des études longues, sous prétexte de ne pouvoir concilier vie professionnelle et vie de famille : « Il ne faut pas avoir peur de devenir infirmière ou même médecin. La longueur des études ne doit pas être un frein car quoique l’on fasse dans la vie, tout ce qui est beau, passe toujours par quelque chose de long. » 

« Rester à la maison ce n’est pas ce qui va faire évoluer la condition des femmes. »

Pour Arlette Bompoint il est important de dire aux femmes qu’elles peuvent travailler tout en ayant des enfants : « Rester à la maison ce n’est pas ce qui va faire évoluer la condition des femmes. » Pour cette cadre, il est essentiel de « former des personnes à ce qu’elles veulent être. » 

Au CHM, beaucoup de femmes cadres mais peu de directrices 

D’après ces deux intervenantes, sur 84 cadres au CHM, 64 cadres sont des femmes. Cependant, à la direction du CHM, les hommes occupent près de 75% des postes et les femmes seulement 25%. 

Hériter des conseils de nos aînées pour s’émanciper 

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Le devoir familial contraint souvent des femmes à renoncer à leurs études pour construire une vie de famille

A la sortie de la conférence, nous avons interrogé certaines personnes du public. La plupart des sortants ont parlé de leur « satisfaction à voir à Mayotte des tables-rondes et débats organisés autour de la place des femmes » et ont adressé leurs remerciements aux organisateurs de l’événement, qui malgré l’importance des questions abordées, n’a pas rempli la salle.

Des soignantes ont fait savoir leur « déception » car les droits des femmes n’ont quasiment pas été abordés. Enfin, le retour quasi-systématique à la « tradition » a parfois été perçu par certains, comme un carcan sociétal, ne faisant que peu progresser la liberté des femmes à décider elles-seules de leur avenir et ce qu’elles sont.  

A une époque difficile, où après plusieurs crises et en raison d’un retard dans la formation des effectifs locaux, le turn-over est devenu une valse chronique au CHM, où des renforts venus de tout le territoire national se relaient pour pallier le manque d’effectifs.

Malgré cela, lors de cette conférence, il a été dit à plusieurs reprises que les femmes mahoraises avaient un grand sens de l’accueil. Ce savoir-être précieux pourrait faire de nombreux envieux dans d’autres départements français, où les grandes choses tiennent parfois grâce à des petits riens. 

Mathilde Hangard 

*Debout les femmes !

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