L’octroi de mer est une imposition spécifique des départements d’Outre-mer de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion, prélevée sur les importations de biens. Il varie de 0 à 100% en fonction des produits, notamment au regard des secteurs où il faut protéger une production locale. Il faut rajouter l’octroi de mer régional de 2,5%.
L’octroi de mer est un impôt créé au XVIIème siècle par Colbert, qui taxait, lors de leur importation, toutes les marchandises arrivant par la mer dans les territoires français d’outre-mer. Après deux réformes majeures en 1992 et 2004, l’octroi de mer s’assimile aujourd’hui à une taxe indirecte sur la consommation, collectée uniquement dans les DOM et qui frappe à la fois les produits importés et ceux produits localement. Elle compense une TVA inférieure à la métropole sur ces territoires, notamment à Mayotte où elle n’existe pas.
Elle est allouée essentiellement aux communes, depuis dix ans seulement à Mayotte, le bénéficiaire était alors le conseil départemental.
Bien que critiqué pour être facteur d’inflation, le régime est reconduit pour cinq ans à compter de 2022. Non sans remous. En mai 2020, un rapport commandé par le gouvernement préconisait de supprimer l’octroi de mer, le qualifiant d’ « impôt dévoyé et inefficace », mais sans proposer de réelle alternative.
L’octroi de mer représente une importante ressource budgétaire pour les collectivités locales d’outre-mer, dont les communes, et constitue une part significative de leurs ressources fiscales. En 2020, les recettes d’octroi de mer représentaient 37,55 % des recettes réelles de fonctionnement des communes à Mayotte, 26,87 % à La Réunion, 32,7 % en Guadeloupe, 34,6 % en Martinique et 36,46 % en Guyane.
30% du budget de fonctionnement pour Mamoudzou
Il s’agit d’une recette dynamique, c’est-à-dire qu’elle est fonction du volume des importations. Les années atones, comme ce début 2024 de blocages, moins de recettes seront générées. A moins qu’il y ait rattrapage avec davantage d’importations sur le reste de l’année.
Pour 2023, le montant total de la Dotation globale garantie sur l’octroi de mer vient d’être publié par la préfecture. Il est de 89,9 millions d’euros, réparti entre l’ensemble des communes selon une clef de répartition comprenant notamment, la démographie. Les mieux dotées sont Mamoudzou, 20,1 millions d’euros, avec un bonus de 20% lié à son statut officiellement acquis l’année dernière de chef-lieu, Koungou, 8,7 millions d’euros, Dembéni, 6,2 millions d’euros, et parmi les moins nanties, la petite Acoua, 2,5 millions, Boueni et Chiconi, 2,7 millions.
Une recette non négligeable donc, puisque pour Mamoudzou, elle représente 30% du budget de Fonctionnement 2023.
Autant dire que les élus ultramarins sont assez nerveux lorsqu’on leur parle de réformer cette taxe, et attendent de savoir ce qu’on va leur présenter. Le ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire parlait en juillet dernier d’une « refonte en profondeur ». Le Conseil interministériel aux Outre-mer du 18 juillet dernier a prévu une « réforme de l’octroi de mer dans un objectif de baisse des prix des produits de grande consommation aux modalités inscrites au plus tard dans le projet de loi de finances 2025 ».
La pression vient notamment de l’Europe qui y voit un dispositif contradictoire avec l’esprit d’une union douanière.
Et ce mardi précisément, la Cour des comptes et la chambre régionale des comptes de Mayotte rendent public un rapport sur l’octroi de mer.
Les élus et acteurs ultramarins demandent à être associés à la réflexion, ils craignent le remplacement d’une recette en expansion par une compensation fixe, « nous ne pourrons pas accepter le remplacement d’une fiscalité dynamique par une dotation » avait indiqué Serge Hoareau, président de l’association des maires de la Réunion.
De son côté, la Collectivité territoriale de Martinique a installé un comité de pilotage sur la réforme de l’octroi de mer pour être fin prêt lors de sa publication.
Anne Perzo-Lafond