25.8 C
Mamoudzou

Les politiques de prévention de la délinquance à revoir : c’est l’objectif d’un « Beauvau » national

C’est à la fois une modernisation du plan de Stratégie nationale de prévention de la délinquance, et à la fois le constat que les outils sont dépassés, en décalage avec le profil des auteurs des faits, qui a motivé Sabrina Agresti-Roubache à proposer une refonte complète des politiques. En mettant les victimes « au cœur de la stratégie ».

Cet ancien hôtel particulier baptisé du nom d’un ministre de la guerre sous Louis XVI, Charles-Juste de Beauvau-Craon, qui l’occupa, ne se doutait pas que son nom serait décliné à la défense de nombreuses causes liées au ministère qui l’occupe, celui de l’Intérieur. Après le Beauvau de la sécurité lancé par l’ancien Premier ministre Jean Castex en 2021, c’est le « Beauvau de la prévention de la délinquance » que lance Sabrina Agresti-Toubache en février, Secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, avant possiblement le « Beauvau des polices municipales. »

Des actes d’une grande violence

Saluons cette annonce du lancement d’une concertation nationale visant à « repenser en profondeur la politique de prévention de la délinquance ». Face à la montée de toutes les formes d’agressions, il s’agit de « moderniser, renforcer et clarifier cette politique publique », indispensable alors les citoyens se sentent de moins en moins protégés.

Nous l’ignorions, mais il existe un document, la Stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024, qui arrive donc à échéance, « cette concertation offre une opportunité unique pour une révision en profondeur de ce cadre de référence », indique la secrétaire d’Etat qui s’appuie sur « les récentes violences urbaines de l’été 2023 (qui) ont souligné la nécessité impérieuse de renforcer l’efficacité des politiques publiques dans ce domaine ».

Adrénaline et réseaux sociaux

A Mayotte, une délinquance massivement juvénile très consommatrice de réseaux sociaux (Photo : JDM)

Les émeutes du 27 juin au 7 juillet 2023 en France avaient été déclenchées par la mort de Nahel à Nanterre, provoquée par le tir d’un policier sur un contrôle routier. 2.500 bâtiments avaient été dégradés, dont 168 écoles et 105 mairies, 12.000 véhicules incendiés, 24.000 feux allumés sur la voie publique… D’une ampleur géographique qualifiée d’« inédite » par le ministère de l’Intérieur puisque 66 départements avaient été touchés, elles avaient abouti à la condamnation de 395 personnes.

Le rapport ministériel définitif d’analyse de l’évènement, évoque notamment les motivations : « La plupart des condamnés n’expriment pas de revendications idéologiques ou politiques affirmées. L’opportunisme et l’influence du groupe ressortent prioritairement des propos. De nombreux auteurs invoquent même la curiosité et le besoin d’adrénaline. » Il est également souligné le rôle des réseaux sociaux, dans le déclenchement des violences urbaines et « dans la logistique et la propagation du mouvement » : « Ils ont été utilisés comme un vecteur de démonstration, d’exhibition, alimentant la concurrence entre villes ou quartiers et engendrant la surenchère dans les dégradations », indique toujours le compte rendu.

Des descriptions qui nous parlent à Mayotte et qui incite pour le coup à participer à cette étude sur la prévention de la délinquance. Si les auteurs des émeutes en Hexagone étaient essentiellement des hommes de moins de 25 ans, ici, la délinquance est majoritairement juvénile. Et donc encore plus concernée par la mise en place de mesures et d’accompagnement, de la famille ou autre, pour prévenir une bascule vers la délinquance. La violence déployée lors des agressions doit aussi interpeller, à ce titre, l’Observatoire départemental des violences né il y a quelques années à Mayotte, mériterait d’être relancé.

Coup de jeune sur les CLSPD

Des CLSPD « plus opérationnels »

Une consultation préalable a déjà été lancée fin 2023 auprès d’un échantillon de préfectures. Cette première étape sera suivie de rencontres avec des élus et des experts impliqués sur différents champs thématiques tels que les conduites addictives, l’aide aux victimes ou la délinquance juvénile. « Ces échanges permettront d’identifier les forces et les faiblesses de la stratégie actuelle et de proposer des pistes d’amélioration. » Nous devons envoyer nos spécialistes en la matière, accompagnés d’élus concernés.

Mayotte doit faire entendre sa voix d’outre-mer dès maintenant puisque le mois de février marque le début officiel de cette concertation, « avec des visites de terrain prévues dans différents départements pour rencontrer les acteurs locaux et échanger sur les spécificités de chaque territoire », précise Sabrina Agresti-Roubache. Cette phase se poursuivra avec un cycle de concertations locales, « pour aboutir à un temps de concertation nationale au printemps », donc autour du mois d’avril, qui sera baptisé le « Beauvau de la prévention de la délinquance ».

Quelques axes sont déjà définis, comme la rénovation des dispositifs territoriaux tels que les Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD), « afin de les rendre plus opérationnels et adaptés aux réalités et aux besoins des territoires ».

Ce « Beauvau » réunira des représentants des ministères partenaires, des associations d’élus locaux, des experts et membres de la société civile, pour présenter les résultats des échanges locaux et formuler des propositions concrètes pour la nouvelle stratégie nationale.

Pour appuyer son action, Sabrina Agresti-Roubache évoque « une nature de la délinquance qui évolue sans cesse », pour preuve les violences urbaines de juin, mais aussi « l’assassinat de Crépol ou le lynchage d’une jeune fille à Lyon » qui appellent une « adaptation » de l’approche. « Pour lutter contre ces phénomènes et prévenir le basculement de certains jeunes dans la délinquance, nous devons penser des dispositifs qui répondent aux nouvelles formes de violences et aux spécificités de chaque territoire. Il nous faudra également avoir une approche spécifique pour accompagner les victimes, que je souhaite mettre au cœur de cette nouvelle stratégie. »

A.P-L.

Partagez l'article:

Les plus lus

Articles similaires
Similaire

Chido : les centres d’hébergement d’urgence à bout de souffle

Faute de toit, les familles ont adopté celui sécurisant des centres d’hébergement au sein des établissements scolaires. Qui manquent de tout, eau, nourriture, et sécurité.

La SMAE prévoit d’approvisionner en eau 50% de la population d’ici 48h

Face au marasme provoqué par Chido, les urgences sont nombreuses. Approvisionnement en denrées alimentaires, eau, électricité, sécurité, comme annoncé, la préfecture émet régulièrement des points de situation à destination de la population.

Chido : Les artisans mahorais aidés par le fonds national de la CMA

Difficile pour les sièges en métropole de joindre leurs...

Chido : Emmanuel Macron jeudi à Mayotte

Dès le premier constat de dégâts du cyclone Chido,...
WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com