Alors qu’il était Premier ministre, Boris Johnson avait cosigné un partenariat avec le président rwandais Paul Kagame en 2022, qui prévoyait le transfert des demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni, vers le Rwanda, où étaient alors évaluée leur demande d’asile. L’objectif était de dissuader les migrants de franchir la Manche sur des bateaux de fortune, les « small boats », l’équivalent des kwassa qui traverse depuis Anjouan vers Mayotte. La distance la plus courte entre les deux côtes qui bordent la Manche peut-être moitié moins longue. Les ressortissants Indiens et Nigérians représentent la majorité des migrants vers le Royaume-Uni.
Le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi dresse le parallèle : « La France pourrait de la même manière signer un accord avec un ou deux pays tiers, par exemple Djibouti ou Madagascar, vers lesquels nous pourrions envoyer les demandeurs d’asile arrivant à Mayotte, et qui pourraient traiter leurs dossiers. » Djibouti étant un pays francophone, et Madagascar, plus proche, un territoire où notre langue est très utilisée. « Ce sont des pays qui bénéficient également de l’aide de la France », souligne Thani Mohamed Soilihi. Impossible évidemment de nouer un tel partenariat avec les Comores, dont sont pourtant issus 95% des migrants, en raison du contentieux politique entre les deux pays.
Le premier accord britannique avait été retoqué par la Cour suprême du pays, pour l’incertitude pesant sur l’efficacité du traitement des dossiers de demandeurs d’asiles, avec un risque jugé trop grand qu’ils soient plus systématiquement reconduits dans leur pays que si la demande avait été traitée au RU. Le nouveau Premier ministre Rishi Sunak avait repris le dossier, 42.000 migrants ayant atteint les côtes britanniques en 2022 sur les frêles embarcations. Le partenariat était acté, un tribunal représentant les deux pays étant implanté à Kigali (Rwanda) pour garantir les droits des demandeurs d’asile.
Un tel dispositif est-il transposable à la France ? Celui qui a obtenu après un long travail, un durcissement de la naturalisation à Mayotte, en fait le pari, « comme pour mon amendement de 2018, je travaille avec plusieurs parlementaires sur ce sujet. »
Si l’accord britannico-rwandais porte exclusivement sur les demandes d’asile, c’est avant tout sur ce chapitre que se concentrera le travail pour Mayotte, tout en gardant en tête une possible extension aux demandes de titres de séjour, « je n’en ai pas encore examiné la faisabilité juridique », répond sobrement le sénateur.
« His passport is rich », se traduira-t-il au futur à Djibouti ou Madagascar ?
Anne Perzo-Lafond