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Le chaos s’empare de Mayotte !

Selon les dires des manifestants, l'usage de la force par le préfet ce week-end contre les barrages érigés par une partie de la population en colère a mis le feu aux poudres, générant une situation de chaos total ce lundi 29 janvier. Non seulement les barrages ont été reformés, mais les délinquants ont profité de la situation pour semer la terreur de plus belle, multipliant les agressions.

En amont du barrage de Coconi, un « barrage sauvage » a été érigé.

Ce lundi 29 janvier, un véritable chaos s’est emparé de Mayotte. Les barragistes, furieux d’avoir été délogés par la force ce week-end, ont reformé dare-dare les blocages, se livrant, comme ils l’avaient annoncé, à un « jeu du chat et de la souris » avec les forces de l’ordre. Ce lundi, toute l’île était paralysée. Un membre du mouvement de contestation dans le sud a déclaré « que la population exigeait des excuses publiques du préfet ». Cette personne ne souhaite pas être nommée, comme la majorité des barragistes. « Ce n’est plus une histoire de collectifs, c’est toute la population qui est colère ! L’histoire du camp des africains n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, mais nous manifestons surtout contre l’insécurité qui mine notre île depuis des années et qui a pour origine l’immigration clandestine d’une manière générale », a-t-il affirmé. « Tout le monde souffre de l’insécurité sur l’île et, en réponse, le préfet utilise la force contre les manifestants ! On n’a jamais vu les gendarmes utiliser des flashballs contre les délinquants et là ils les utilisent contre la population ! Il y a eu plusieurs blessés par flashball aux 4 coins de l’île ce week-end ! C’est de la discrimination envers les forces vives de Mayotte ! Nous exigeons des explications ! », a encore déclaré ce manifestant.

Les délinquants ont profité du chaos ambiant pour semer la terreur encore plus intensément que d’habitude.

Mais qui sont ces « forces vives de Mayotte » au juste ? Le mouvement se veut diffus, sans représentant officiel, pour montrer qu’il émane de la population tout entière. Toutefois, la presse reçoit régulièrement des communiqués du « collectif citoyen sud de prévention et de sensibilisation » sans qu’aucun nom n’apparaisse. Safina Soula du collectif 2018 continue le combat, mais n’est plus à l’origine des actions menées, même si elle les soutient. « La situation a déraillé alors que jusqu’à présent nous privilégiions le dialogue et nous pensions être compris par le préfet. Jusqu’à ce qu’il donne l’ordre de « dégager » les mamas qui manifestaient pacifiquement devant la préfecture jeudi soir. A cause de cela, nous avons décliné sa proposition de réunion vendredi. Ensuite, il a employé la force contre les barragistes. Nous n’avons rien compris. Une charte de comportement avait été envoyée au préfet et les barragistes comptaient laisser passer les ravitaillement ce samedi. Sa décision violente a mis les Mahorais très en colère et plus personne n’a le contrôle de la situation », a affirmé la présidente du collectif 2018. « Le préfet aurait dû dire qu’il comprenait notre souffrance, au lieu de cela il a fait dire aux manifestantes de « dégager » et fait lever les barrages. La population est dans l’incompréhension totale des actions du préfet », a-t-elle ajouté.

Le collectif sud répond « à la provocation du préfet »

Un groupe de manifestantes a bloqué les barges en fin de matinée. En début d’après-midi, le STM n’a remis qu’une seule barge en circulation « pour les urgences ».

Le collectif sud prévention et sensibilisation a envoyé un communiqué de réponse à ce qu’il appelle « une provocation » du préfet Thierry Suquet (NDLR : la levée des barrages par la force). « Deux poids, deux mesures… sur tous les départements français (sauf Mayotte) on ne répond pas à la souffrance de la population en envoyant des CRS », peut-on y lire. « En quelques jours, les Mahorais ont constaté un déploiement inhabituel de forces de l’ordre, jamais vu sur le territoire, pour intimider des grévistes pacifiques ! Moyens jamais observés ni déployé sur le terrain pour démanteler les réseaux de clandestins et les casseurs ! », ajoute le communiqué. Ce dernier poursuit en exhortant le préfet au dialogue avec la population « plutôt que de chercher à faire taire l’expression citoyenne en envoyant des blindés » et propose une série de mesures pour lutter plus efficacement contre l’insécurité et l’immigration clandestine. « Nous exigeons l’arrestation des dakous (NDLR : les voyous) qui caillassent les automobilistes et les ambulances ! », affirme notamment le collectif sud qui demande aussi un renforcement des effectifs de la gendarmerie de M’zouazia « complètement dépassée et déconnectée des évènements qui se déroulent sur notre territoire » ainsi que « l’intensification des patrouilles en mer pour lutter contre les beachages de kwassas sur les belles plages du sud de Mayotte ». Entre autres, puisque 9 mesures sont listées dans ce communiqué.

Le personnel du collège de passamaïnty s’est mis en grève ce lundi pour soutenir le mouvement.

Le préfet s’est exprimé devant les journalistes à ce sujet lundi matin à l’occasion du comité de suivi sur la ressource en eau qui a eu lieu malgré le contexte sécuritaire. Il a affirmé « qu’il emploierait les forces nécessaires pour continuer de faire lever les barrages qui asphyxient l’économie et les services publics de l’île » et que « la majorité silencieuse de la population était d’accord avec lui ». A ces mots, la député Estelle Youssoufa, présente en visio à ce comité depuis Paris, a rué dans les brancards. « Je crois que vous ne connaissez vraiment pas les Mahorais pour affirmer que la majorité d’entre eux sont d’accord avec vous. Il est temps que vous partiez ! », s’est-elle exclamée avec, pour toute réponse du préfet : « on vous a entendue ». En quittant ce comité de suivi de la ressource en eau, le recteur s’est fait caillasser, assombrissant le visage du préfet. Pour autant, les journalistes présents sur place n’ont pu poser aucune question, Thierry Suquet affirmant que « ses déclarations n’appelaient aucun commentaire ».

Nora Godeau

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