« Les barrages et les blocages des administrations resteront en place jusqu’à évacuation totale du camp de migrants », ont martelé tous les membres du collectif présents aussi bien au stade que devant la Cadema et la préfecture. Le préfet ayant annoncé que le démantèlement s’étalerait sur une période de 2 mois, la vie risque d’être très compliquée pour les habitants de Mayotte ces prochaines semaines. Car, au-delà de la problématique du camp de Cavani, c’est un ras-le-bol général qui s’est emparé de la population. « On avait déjà l’immigration comorienne, maintenant c’est l’immigration africaine ! Notre frontière est une vraie passoire et c’est voulu par l’Etat ! », s’esclame Daniel Zaïdani, conseiller départemental de Pamandzi, soutien du mouvement. L’installation des demandeurs d’asile en provenance de l’Afrique des grands lacs a été, pour le collectif, « la goutte d’eau qui fait déborder le vase », mais ce dernier proteste aussi contre l’insécurité qui gangrène l’île et qui, pour Daniel Zaïdani, « n’a qu’une seule et unique origine : l’immigration clandestine ». Bien que conscient que les demandeurs d’asile ne sont pas traités de la même manière que les migrants économiques par la loi française, il explique que « Mayotte n’a pas les structures adaptées pour les accueillir » sauf dans des bâtiments appartenant à l’Etat comme le RSMA ou le DLEM. « On demande aux Mahorais de cohabiter avec eux, pourquoi ne pourraient-ils donc pas cohabiter avec les militaires du DLEM ? », propose-t-il.
Safina Soula, la présidente du collectif, a déclaré que le début du démantèlement ne leur apportait aucune satisfaction « dans la mesure où des bateaux pleins de migrants africains continuent à arriver. Aujourd’hui même, la population d’Acoua a repéré un bateau escorté par les gendarmes. La population est très en colère ! », déclare-t-elle. Elle annonce donc un durcissement du mouvement dans les jours à venir. « En outre, le camp a peut-être commencé à être démantelé, mais c’est pour mieux éparpiller les demandeurs d’asile sur tout le territoire mahorais par le biais d’associations comme M’lézi Maore, ce qui est inacceptable ! », s’est-elle exclamée.
L’abrogation du titre de séjour territorialisé
De son côté, Haoussi Boinahedja, le délégué syndical du conseil départemental et membre du collectif, a envoyé à la presse deux communiqués pour annoncer que le mouvement allait se poursuivre et s’élargir à d’autres problématiques. Principal point de revendication : l’abrogation du titre de séjour territorialisé qui ne permet pas aux étrangers en situation régulière de quitter Mayotte pour d’autres départements. « Cette mesure favorise les tensions sociales à Mayotte, en concentrant une population souvent précaire sur une île limitée en ressources », peut-on lire dans le communiqué qui dénonce également « le confinement permanent des résidents de Mayotte en raison de l’insécurité ». La problématique du camp de migrants n’est pas absente pour autant puisque le communiqué indique aussi que le collectif « s’appose à tout transfert de migrants d’un point à un autre de Mayotte » ainsi que « la spoliation des biens et des terres mahoraises : Nous dénonçons les actions de l’État visant à exproprier les Mahorais de leurs terres et biens ».
Si le camp de demandeurs d’asile venant de l’Afrique des grands lacs a mis « le feu aux poudres », c’est donc aussi la situation générale de l’île que le collectif entend dénoncer par ses barrages et blocages. Haoussi Boinahedja a toutefois mis au point une « charte de conduite » des barragistes afin d’éviter les abus de 2018. Pourront ainsi passer : les forces de l’ordre, les médecins et autres professionnels de santé ainsi que les véhicules de ravitaillement en besoins vitaux et le matériel destiné à l’agriculture. La préfecture restera bloquée malgré la plainte formulée mercredi matin par le préfet sur Kwezi TV indiquant que ce blocage « empêchait ses agents de traiter rapidement les dossiers ». « Ce n’est pas vrai, ils trouvent toujours un moyen de s’occuper de ces personnes, préfecture bloquée ou non ! », a rétorqué Safina Soula comme nous l’interrogions à ce sujet. Le collectif prépare ce mercredi soir un communiqué regroupant l’essentiel de ses revendications pour les diffuser très prochainement dans les médias.
Nora Godeau