L’heure est grave pour les femmes ! C’est une situation inédite qui n’a pourtant pas fait de bruit. Depuis plusieurs jours, il n’est possible nulle part à Mayotte de réaliser une mammographie, ni au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), où le Pôle Médico-Technique explique qu’il « ne dispose pas de mammographe », ni au Centre d’Imagerie Médicale de Mayotte qui déclare que sa machine « est en panne » et que les pièces nécessaires à cette réparation arriveront au mois d’avril 2024.
Pourtant, la mammographie est un outil performant et indispensable au dépistage du cancer du sein, puisqu’il permet de détecter un éventuel cancer qui serait en train de se développer, et sa détection précoce, favorise les chances de guérison de la patiente. Ce dépistage, s’adresse à toutes les femmes à risque de développer un cancer du sein sans distinction d’âge, en raison de prédispositions génétiques ou d’antécédents familiaux, mais surtout à toutes les femmes à partir de 50 ans, puisque 80% des cancers du sein concernent des femmes de 50 ans et plus.
Ce mercredi matin, tous les centres que nous avons rencontrés sont unanimes ! En l’absence de mammographes sur le territoire, le Centre Régional de Coordination de Dépistage des Cancers de Mayotte (CRCDC-Mayotte), le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) et le Centre d’Imagerie Médicale de Mayotte, recommandent à toutes les patientes nécessitant de réaliser une mammographie de se rendre à La Réunion.
Mais cette réponse est dramatique puisqu’elle conditionne la réalisation de cet examen fondamental aux femmes qui auraient les moyens de se payer un billet d’avion pour aller à La Réunion et organiser elles-mêmes leur parcours de soins.
Le fait de ne pas pouvoir bénéficier d’une mammographie pendant plusieurs mois, complique un parcours de soins déjà tendu, où face au dépistage d’un cancer du sein, seule la chimiothérapie peut être réalisée à Mayotte, tandis que les radiologies complémentaires et les chirurgies ne peuvent être prodiguées qu’à La Réunion. Cette situation peut faire craindre un renoncement aux soins, où certaines femmes qui nécessiteraient de réaliser une mammographie, pourraient renoncer à se faire dépister, pour des questions sociales, logistiques ou financières.
L’auto-palpation des seins reste fondamentale dans le dépistage du cancer du sein
Actuellement, avant d’envisager une mammographie, il reste un outil indispensable, qui ne coûte rien et ne nécessite pas de matériel : il s’agit du dépistage du cancer du sein par « auto-palpation ». En effet, si les seins évoluent tout au long de la vie d’une femme, tout changement observé doit faire l’objet d’une vigilance accrue. L’auto-palpation des seins, c’est-à-dire, le fait de se palper soi-même la poitrine régulièrement, permet de connaître l’aspect et la consistance de ses seins et détecter éventuellement des changements inhabituels susceptibles d’être un symptôme du cancer du sein. Tout changement de couleur, d’aspect, d’un enfoncement éventuel du sein, la détection d’une boule, d’une grosseur ou d’une masse, doit inviter les femmes à consulter un médecin ou une sage-femme, pour réaliser des examens approfondis.
Face à cette situation profondément insatisfaisante, lorsqu’on sait que le cancer représente la 2ème cause de mortalité à Mayotte, les autorités de santé se veulent néanmoins rassurantes et affirment que « pour assurer une continuité des soins, les patientes qui nécessiteraient de passer une mammographie, pourront bénéficier d’une IRM* au CHM ».
Ce schéma de prise en charge sera certainement précisé ultérieurement. Mais on peut d’ores-et-déjà se poser la question de la typologie des patientes qui seront admises à réaliser une IRM ? Est-ce que toutes les patientes à risque de développer un cancer du sein, pourront en bénéficier ? Toutes les patientes de 50 ans et plus pour leur dépistage bi-annuel (tous les deux ans) ? Avec ou sans ordonnance ? Est-ce que l’acheminement de nouveaux matériels va être envisagé pour permettre au CHM d’être mieux équipé et au centre de radiologie de pouvoir réaliser des mammographies plus tôt que dans 4 mois ?
Des travaux sont actuellement en cours entre le CHM et l’ARS pour apporter des solutions concrètes à cette situation.
En attendant, un seul mot d’ordre : le cancer du sein peut être détecté à tout âge, palpez vos seins régulièrement, et en cas de doute, consultez un professionnel de santé !
Mathilde Hangard
*IRM : Imagerie par résonance magnétique