Les prévenus comparaissaient pour cinq chefs d’inculpation dont notamment aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France, rébellion, et importation en contrebande de tabac. Parti d’Anjouan sur les coups de 18 heures, le kwassa est arrivé vers Mstamboro au petit matin. Repéré par les radars, une vedette de la patrouille nautique de la Police aux frontières (PAF) est alors envoyée sur la zone pour intercepter l’embarcation.
19 passagers et 238 cartouches de cigarettes retrouvés à bord
Sur les deux personnes incriminées comme étant les pilotes, l’un d’eux est récidiviste et a déjà fait quelques mois de prison à Majicavo et en est sorti très récemment, au début du mois de juin dernier. Parmi les 19 personnes à bord figuraient 4 enfants, 7 femmes et 8 hommes. A la vue de la patrouille et aux sommations faites par les policiers, l’embarcation a tenté de forcer le passage en venant percuter la vedette de la brigade nautique faisant prendre des risques à l’ensemble de l’équipage et obligeant les forces de l’ordre à aborder le kwassa avec tous les dangers que cela représente. L’embarcation n’arrêtait pas de tanguer au risque de chavirer mettant en danger l’ensemble des personnes à bord, car bien sûr aucun équipement de sécurité n’était présent comme des gilets de sauvetage, une fusée de détresse ou autres…
Un des policiers réussit finalement à monter sur la barque pour tenter d’éteindre les moteurs, s’ensuit une bagarre entre un des pilotes et le policier subissant par la même occasion une tentative d’étranglement et l’obligeant à asséner un coup de crosse sur la tête du contrebandier. L’ensemble des passagers a été débarqué et des produits de contrebande ont été découvert comme 6 ballots contenant 238 cartouches de cigarettes. « A environ 10 euros le paquet, cela représente au bas mot près de 24.000 euros de valeur fiscale », fait remarquer le procureur. Quant aux passagers tous venaient des Comores pour avoir « une vie meilleure » en arrivant à Mayotte. L’un d’eux venait pour se faire soigner, une autre voulait rejoindre ses enfants et un troisième souhaitait revenir après avoir été expulsé.
Les prévenus reconnaissent les faits même si l’un d’eux n’a pas arrêté de changer de version devant les enquêteurs et devant le tribunal. « Je ne suis pas le patron, on est venu me voir dans l’après-midi pour me proposer ce travail en échange de 250 euros, explique-t-il. – Vous savez que vous encourez 20 ans de prison, vu que c’est une récidive, lui indique le président du tribunal. – Je supplie le tribunal d’être indulgent. – Il n’y avait aucun gilet de sauvetage à bord… Il se passe quoi si l’embarcation avait chaviré, questionne le président. – On avait pas cette idée-là, répond l’accusé. On est conscient de faire prendre des risques aux passagers mais on n’est pas responsable ». Quant à l’autre pilote qui a essayé de se faire passer pour un simple passager, il explique qu’il est venu à Mayotte pour avoir une vie meilleure car « chez nous là-bas, c’est difficile, raconte-t-il. Je prie le tribunal de me pardonner ». Le pilote de kwassa récidiviste implore la clémence du tribunal : « Je vous prie de ne pas m’incarcérer, je ne reviendrai plus. Je prie le tribunal de me renvoyer chez moi, je ne recommencerai plus ».
Le procureur dans son réquisitoire a mis en avant l’absence de vérité dans les déclarations des deux accusés. « Nous n’aurons pas la vérité. Ce sont des déclarations fluctuantes qui n’ont aucun crédit. Les infractions commises sont d’une grande gravité. Ils ont exposé des personnes à des risques mortels. On ne peut pas se contenter de les renvoyer chez eux », a-t-il insisté. Il a ainsi requis 4 ans de prison pour le pilote récidiviste et l’interdiction définitive du territoire français ; et 18 mois de prison pour le second pilote avec l’interdiction du territoire français durant 5 ans. Il a également demandé que les deux prévenus s’acquittent solidairement d’une amende de 23.100 euros.
Après avoir délibéré, le tribunal a condamné l’un des deux accusés à 3 ans de prison et interdiction du territoire français (ITF) définitive et l’autre prévenu a été condamné à 24 mois de prison dont 6 mois avec sursis et une ITF de 5 ans. Ils ont par ailleurs été condamnés à une amende fiscale solidaire de 23.100 euros pour contrebande de cigarettes.
B.J.