Comme annoncé ce mercredi en début de soirée, les sorties Smur ont de nouveau pris effet à la tombée de la nuit. Une décision actée par la même direction qui avait fait de choix de ne plus engager ses équipes sur le terrain nocturne. Cette direction, c’est le docteur Nora Oulehri; femme de poigne et de conviction — à la tête du Samu 976 depuis bientôt 3 ans — pour qui, au regard de ce récent et dramatique événement survenu en début de semaine, il était dorénavant inadmissible d’envoyer ces professionnels de santé, au péril de leur propre vie. Loin d’être question d’une bipolarité manifeste de l’intéressée, il fut plutôt cas d’une prise de position choc qui a manifestement présenté le fort avantage de faire bouger les choses à échelle départementale et ce, en un laps de temps plutôt réduit; pour ne pas dire record.
Un protocole d’escorte sécuritaire
Ce mercredi 20 décembre au matin, s’est tenue une réunion à la demande de la direction de l’ARS, en présence notamment des services préfectoraux, des hautes instances police et gendarmerie nationales ainsi que du CHM, Sdis 976 et du Samu donc. Une réunion qui avait été demandée en amont, notamment des suites des affrontements Majicavo-Kaweni et de ce fameux homicide par arme à feu. Hasard du calendrier ou prise de conscience de ce point de non-retour ayant mis au devant de la scène, mardi dernier, une énième et intolérable attaque à l’encontre d’un service public dédié initialement à sauver des vies, toujours est-il que cette réunion état des lieux, sur fond de gestion de crise, aura également intégré à l’ordre du jour le pilotage sécuritaire des équipes de secours engagées de nuit. Dans le concret, ce protocole prévoit donc l’appui — en fonction de leur zone de juridiction — des forces de la Police nationale et de la Gendarmerie (mobile et nationale) à chaque déclenchement nocturne d’un véhicule de type Smur et même Vsav* sapeur-pompier. « Nous avons discuté et calé tout cela dans l’après-midi; à 18 heures tout se voulait opérationnel et nous avons pu, dès 20 heures, assurer une prise en charge relai, avec les gendarmes, d’un convoi rentrant » nous indique Hervé Derache, commissaire divisionnaire et nouveau directeur territorial de la Police nationale de Mayotte.
Dans cette nuit du mercredi 20 au jeudi 21 décembre, il fut question d’assurer la sécurité de 2 sorties en zone nord de l’île et pour le coup : RAS. Tout s’est très bien passé offrant indéniable et inconscient soutien psychologique pour les personnels de santé concernés. Des personnels comme N., infirmière urgentiste à Mayotte depuis plus de 2 ans, ayant justement été présente et victime de ce dernier fait : « Bien sûr que nous sommes satisfaits de ces mesures, c’est indéniable. Soulagés tout en ayant ce sentiment d’avoir enfin été entendus. Ce qui est dommageable, c’est que des demandes et des signaux bien en amont nous avons formulés, parfois des suites de circonstances bien plus dangereuses (…) Je suis de garde dès ce soir, je me dis au moins que je serai sous bonne escorte ».
« Un dispositif unique et innovant… »
C’est en ces termes que le directeur de l’ARS, Olivier Brahic, faisant face à la vague blanche hospitalière, a décrit ce protocole qui se veut, dans un premier temps, en phase test et d’adaptation pour cette période de Noël, avec une clause de bilan et de pérennisation aspirée, un peu avant la fin de ces vacances scolaires. « Je suis honnête et transparent, je ne crois pas en l’action unique miracle mais plutôt en la mise en place de plusieurs dispositifs parallèles (…) Soyez certains que je fais remonter les alertes et cette réunion qui s’est tenue hier, au regard du contexte actuel, c’est aussi une première réponse très concrète qui prouve que la préfecture vous entend et on va continuer à travailler sur la question. C’est un dispositif unique et innovant donc on va voir comment cela se met en place ».
Un point de discorde d’ores et déjà souligné !
Ce point, c’est dans la nomenclature même de ce protocole qui, selon le docteur Oulehri, ne reflète pas l’authenticité de ses dires durant cette réunion : « Dans la note qui nous a été remontée par la directrice de cabinet du préfet, il est stipulé que les escortes ne concerneront que les urgences vitales, hors ce n’est pas ça que j’ai demandé, témoins à l’appui, donc cette contradiction, nous aimerions bien qu’elle soit levée… ». Une contradiction plutôt limitative dans les faits purs et durs car les sorties de nuit du Samu, et des secours de manière générale, ne relèvent pas toujours de l’appellation urgence vitale stricto sensu. Quel qu’en soit ce jeu nominatif, à la sortie, l’unique décisionnaire validant d’engager, pour intervention, une équipe sur le terrain, et de déclencher par la même occasion un renfort sécurité police ou gendarmerie, relèvera de l’unique juridiction du médecin régulateur.
Durant près d’une heure, les personnels soignants urgentistes ainsi que les autres personnels rattachés au CHM, tout aussi excédés au regard des dégradations de leurs conditions de travail, ont également écouté les déclarations du directeur de l’ARS tout en faisant valoir leur inquiétudes. Cette trêve hivernale revendicative de quelques jours n’a manifestement pas pour but de s’estomper au regard des divers argumentaires et aspirations qui ont pu être échangés. Notre rédaction se tient bien entendu au fait de l’évolution de tout cela et ne manquera pas de vous tenir informés.