« Depuis plusieurs jours, notre département vit des heures troubles et violentes ». C’est l’entame du clip du préfet Thierry Suquet qui intervient sur la page Facebook de la préfecture. Une prise de parole pour rappeler que l’Etat est là, mais pas suffisante pour les habitants qui se font agresser, actuellement dans plusieurs zones, une violence particulière à Tsoundzou, Passamainty, Majikavo….
Comme nous le rapportent régulièrement les officiers de gendarmerie et de police, les bandes sont maintenues de part et d’autre de leur territoire, le problème c’est qu’elles réinvestissent la voie publique la nuit, laissant les automobilistes à leur merci. Avec comme point d’orgue le décès par arme à feu dimanche dernier d’un jeune dans le quartier de la Geôle à Kawéni sur lequel le parquet n’a pas communiqué, on imagine que l’auteur des faits et toujours recherché.
Des faits de violence, l’île en connait régulièrement, mais cette fois, ils impactent simultanément plusieurs points de l’île.
Blessés aux bras en marge d’un match de hand
Et ce mercredi, ces bandes ont encore violemment sévi du côté de Tsoundzou, comme nous le rapporte Benjamin Lazard-Peillon, Directeur de cabinet du recteur. « Dès 6h30, des émeutiers envahissaient la route à Tsoundzou 1, puis se dirigeaient vers le stade en construction avant d’arriver devant la grille du collège de Kwalé. Les enseignants et les élèves étaient empêchés d’arriver, à peine 400 d’entre eux sont parvenus à entrer, confinés aussitôt dans le réfectoire et l’amphithéâtre. » Les émeutiers ont utilisé tout ce qui leur tombait sous la main, barrière de chantier etc. pour bloquer la route de Kwalé, « la tension était très forte, les gaz lacrymogènes envahissaient l’atmosphère en réponse aux pierres jetées sur le personnel du collège réfugié sur le parking où est parvenu à s’introduire un émeutier cagoulé. » Vers 8h15 les parents venaient récupérer leurs enfants, tandis que les rixes se poursuivaient sur les crêtes. Aucun blessé n’a été enregistré, selon le directeur de cabinet. Le collège doit rouvrir demain.
Sur l’ensemble des violences, les premières interpellations sont enregistrées indique le préfet. C’est le cas après l’agression en périphérie d’un match de handball dans le Sud de l’île entre les équipes de Kani Keli et Bouéni vendredi dernier. Des agresseurs extérieurs à l’évènement sportif, armés de machette ont fait deux victimes qui présentent des blessures aux avants bras, quand une troisième a vu son véhicule dégradé.
L’enquête menée par les gendarmes de Mzouazia renforcés par le Groupe d’Appui Judiciaire a permis d’identifier et d’interpeller les trois auteurs principaux de ces faits, dont un mineur. À l’issue de leur présentation à la justice le 11 décembre 2023, le mineur a fait l’objet d’un contrôle judiciaire. L’auteur des coups de machette a été condamné à 2 ans de prison ferme et 8 mois avec sursis, et a été incarcéré à Majikavo et le second a fait l’objet d’une procédure de reconduite à la frontière.
Fermeture anticipée des établissements scolaires
Du côté de Dzoumogné, la station-service a été dégradée. Nous avons contacté la société TotalEnergies, qui rapporte les premiers éléments : « Il y eu une tentative de cambriolage cette nuit, ils ont essayé de percer les portes et de forcer le rideau métallique. Nous constatons pour l’instant uniquement des dégâts matériels, avec un trou dans le mur car ils ont retiré les fenêtres. Nous ne savons pas encore si les auteurs des faits étaient nombreux ou pas, les caméras vidéo vont évidemment être exploitées et nous en saurons plus. Si nous sommes satisfaits que notre système de sécurisation ait fonctionné, nous regrettons le désagrément que vont subir nos clients avec la fermeture de la station », souligne Yasmine Saïd, directrice de communication à TotalEnergies Mayotte.
Peu à peu, l’ile se paralyse, les salariés sont bloqués sur le chemin du travail le matin, les agents aussi, bloquant le fonctionnement des services administratifs. Le préfet appelle les services de l’Etat et les collectivités locales à « maintenir ouverts les services publics », mais la réalité de le permet pas. En témoigne l’annonce du rectorat de la fermeture anticipée de plusieurs établissements scolaires : « Cette décision a été prise à l’issue d’une réunion avec les transporteurs scolaires, dont les chauffeurs travaillent avec la peur au ventre, et avec l’accord de la directrice de cabinet de la préfecture. » C’est du rarement vu, les délinquants impriment leur volonté et l’état de droit bat en retraite.
Conviés par les institutions ou les collectivités à couvrir des évènements – dont certains sont annulés en raison du contexte – nos équipes de journalistes sont de plus en plus fréquemment mis en danger pour traverser des zones de rixes entre bandes.
Nous le disons encore une fois, compter le nombre d’escadrons n’est pas la bonne méthode, c’est la restauration de la paix publique qui sera la bonne position du curseur du nombre de forces de l’ordre.
A.P-L.