« Ce qui s’est passé à Koungou ce matin relève de la légende urbaine. Quand nous sommes arrivés, il n’y avait que 6 gamins en train de caillasser sur place », affirme le colonel de gendarmerie Olivier Casties. Une information relativisée par Frédéric Delouye, le directeur de Transdev, la société gestionnaire du réseau de transport scolaire Halo. « Je respecte le travail de la gendarmerie, mais ils sont arrivés trop tard en effet, la majeure partie des caillasseurs s’étaient déjà dispersés. Deux de nos cars ont été touchés ce matin avec 4 vitres brisées. En outre, plusieurs barrages érigés sur la route ont contraint nos bus à faire demi-tour et à ramener les enfants chez eux », raconte-il. « La « météo du jour » fait état de 12 véhicules immobilisés et donc 4% de courses non effectuées ce qui représente 31 courses et donc environ 1000 élèves qui n’ont pas pu se rendre dans leurs établissements aujourd’hui à cause des violences urbaines de ce matin », ajoute-il. Il évoque par ailleurs l’agression de l’un des contrôleurs de ses bus dans le secteur de Miréréni par un « coupeur de route ».
La semaine dernière, avec les violences urbaines de Dembeni/Tsararano, 34 bus ont été caillassés. « Si ça continue à ce rythme, il arrivera un moment où on ne pourra plus assurer », s’inquiète le directeur de Transdev. Les frais liés à ses caillassages sont en effet conséquents avec une moyenne de 2000 euros de dommages par bus caillassés, entièrement à la charge des transporteurs, employés par le conseil départemental. « Je connais certains transporteurs qui sont à la limite de déposer le bilan », révèle-t-il tout en affirmant qu’il « tirait son chapeau » aux chauffeurs de bus qui continuent à travailler malgré ces conditions plus que désastreuses.
Le directeur de cabinet du recteur inquiet pour les élèves et pour l’attractivité de Mayotte
Rebondissant sur les propos du colonel Casties, le directeur de cabinet du recteur, Benjamin Lazard-Peillon, rapporte lui aussi les faits : « Les hostilités ont commencé un peu avant 6h avec des caillassages et des tentatives de barrage devant l’établissement. On m’a également fait remonter des heurts entre les délinquants et les forces de l’ordre ainsi que l’usage de gaz lacrymogènes. Les transporteurs ont donc ramené les jeunes chez eux aux alentours de 7h-7h30. Le collège de Koungou n’a pas été complètement fermé, mais il a assuré un accueil minimal des quelques élèves et professeurs présents, mais il y en avait très peu », rapporte-il. Des émeutes qui affectent le fonctionnement de l’Education nationale, « la répétition régulière de celles-ci perturbe énormément la scolarité des élèves de l’île. Il ne faut pas oublier que ce sont les premières victimes de ces violences urbaines », déplore-t-il. « Ces violences les marquent durablement sur le plan psychologique », estime-t-il, au-delà même de la problématique des fermetures d’établissement.
Pour lui, ces violences sont l’expression d’un désespoir profond chez ces jeunes qui « ont le sentiment d’une absence de perspectives d’avenir et manquent de repères ». « Les jeunes sont redoutés sur le territoire alors qu’ils devraient au contraire être synonymes d’espoir pour le territoire », regrette-il.
Il nous a, par ailleurs, fait part de son inquiétude quant à l’avenir de l’éducation sur l’île. « A la fin de cette année scolaire, des professeurs titulaires auront terminé les 5 ans d’affilés sur le territoire leur permettant d’accéder aux 1000 points pour demander leur mutation et je gage que beaucoup le feront. D’autres titulaires viendront-ils les remplacer l’année prochaine avec toutes ses problématiques de violences urbaines que connait Mayotte ? Il faut tout faire pour cela… », se projette Benjamin Lazard-Peillon. « Il faut absolument trouver une solution à cette problématique d’insécurité qui ne fait que se dégrader d’années en année », conclut-il.
Nora Godeau