Ils ont défilé pendant deux jours dans le cabinet du ministre délégué aux Outre-mer : par ordre d’apparition et une tranche de deux heures, les élus de Martinique, Réunion, Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Guadeloupe, se sont rendus rue Oudinot dans le cadre d’un bilan d’étape du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM). Il s’agit pour le gouvernement de prouver qu’il ne s’agit pas d’un truc en plus, du type Assises, Colloques ou autre Grand Débat, mais qu’à la suite de l’appel de Fort-de-France où les élus ultramarins demandaient des politiques collant aux réalités de leurs territoires, on allait enfin non seulement cibler les mesures, mais s’assurer de leur effectivité.
Au menu du CIOM, 72 mesures sur les thématiques habituelles ultramarines : lutter contre la vie chère, créer des emplois, accompagner la jeunesse, assurer la transition énergétique… « L’objectif est de les mettre en œuvre, en étroite collaboration avec les élus, en associant les acteurs socio-économiques, pour transformer les Outre-mer et leur permettre de se projeter dans l’avenir », définit le gouvernement.
Ce vendredi à 11h, heure de métropole, c’était au tour des élus de Mayotte de passer deux heures en tête à tête avec Philippe Vigier. Les quatre parlementaires étaient présents, ainsi que le président du conseil départemental et le président de l’association des maires de Mayotte, accompagnés du préfet Thierry Suquet. Une rencontre qu’ils ont préparée à l’avance au Sénat, en se répartissant les thématiques. Pas simple au regard des tensions qui perduraient, mais un consensus s’est dégagé, « c’est une réunion bien préparée », se réjouissent le sénateur Thani Mohamed Soilihi et le député Mansour Kamardine.
Réguler la démographie, la condition sine qua non
Les élus mahorais ont parlé d’une seule voix, en décidant de coller aux besoins du territoire plutôt qu’aux axes généraux du CIOM, « Nous ne voulions pas reprendre la logique de décliner mesure par mesure, nous avons présenté la veille au ministre les six priorités que nous souhaitions aborder pour Mayotte », complètent les élus.
Après l’entame de la discussion par un point sur la crise de l’eau et des moyens mis en place, Saïd Omar Oili ouvrait les échanges en évoquant la pression démographique et son indispensable maitrise, « on peut aborder tous les sujets, ils dépendent tous de la question migratoire induisant le sous-dimensionnement des structures publiques ». La polémique du recensement du nombre d’habitants à Mayotte a refait surface, « le ministre s’est engagé à voir ça avec l’INSEE ».
L’intégration de Mayotte française dans sa région a également été discutée, « alors que pour les rencontres sportives régionale intégrant les Antilles Guyane, les drapeaux et hymnes nationaux sont au rendez-vous, ce n’est pas le cas pour Mayotte puisque la France est présente à la COI au titre de La Réunion. Quand il faut consommer les fonds européens, il n’y a pas de problème de reconnaissance, mais pour le reste, si », a évoqué Mansour Kamardine.
La cohésion des départements ultramarins contre la suppression de l’octroi de mer ne pouvait éluder le sujet, et Ben Issa Ousseni a défendu comme ses pairs le maintien de cette source de revenus indispensable des collectivités, « une taxe dynamique par l’effet de l’augmentation de la population à Mayotte », qui, sans elle, deviendraient dépendantes d’une compensation de l’Etat, estiment les élus. Le ministre a rassuré, « il s’agit d’une réflexion pour la réformer, mais qui se fera en associant chaque territoire séparément ». Comme en Guyane, la TVA n’est pas appliquée à Mayotte, « les deux territoires ne peuvent donc pas être associés aux autres DOM sur ce sujet a convenu le ministre », ont défendu les élus.
Alignement des planètes législatives
Sur un territoire où les impôts sont acquittés à 100% du barème des autres DOM, le non alignement des prestations sociales versées à 50% du national, et du plafond de la Sécurité sociale conditionnant les retraites, la convergence doit être accélérée, c’est ce qu’avait convenu le ministre du Travail Olivier Dussopt. « Nous avons demandé un rattrapage effectif en 2026, peu importe le véhicule législatif choisi ». Philippe Vigier leur a demandé en retour des propositions « d’ici 15 jours ».
La sécurité, le changement climatique, la loi santé et la cherté de la vie provoquée notamment par un manque de concurrence, ont été discutés, « nous avons dépassé les deux heures consenties ». Des sujets que le ministre a indiqué vouloir poursuivre lors de sa visite à Mayotte cette semaine.
Donc une réunion satisfaisante « sur la forme », et sur le fonds « nous avons pu aborder les thématiques qui nous tenaient à cœur, mais ce n’était qu’un point d’étape, y compris pour abonder la loi Mayotte. »
Le sénateur RDPI évoque la multiplicité de textes porteurs étudiés actuellement par les deux assemblées, « la loi Immigration qui va arriver à l’Assemblée nationale après le Sénat, le projet de loi de Finances 2024, la loi de Finances de fin de gestion 2023 qui nous a permis d’obtenir 115 millions d’euros pour Mayotte la semaine dernière, le projet de loi Mayotte qui va enfin permettre de ne rien oublier. C’est le gouvernement qui aura le dernier mot avec un arbitrage en interministériel. »
Parallèlement à ce grand raout ultramarin, des démarches ont été menées par le président Ben Issa Ousseni accompagné par Thani Mohamed Soilihi, auprès de deux ministères, les Transports et l’Économie. Chez Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé des Transports, ont été abordés les sujets de la mobilité et de ses chantiers à mener à Mayotte pour désengorger l’axe routier, la piste longue, pour laquelle Ben Issa Ousseni a demandé que l’étude menée pour consolider juridiquement le projet soit « la der des der », et la préparation de l’après 2027 à Longoni, date de renouvellement de la Délégation de Service Public (DSP) pour le conseil départemental, qui ne doit pas se faire piéger par des engagements contractuels de l’actuel gestionnaire.
Pour le CIOM, le ministre Vigier a indiqué aux Outre-mer qu’une revoyure était prévue dans deux mois, en janvier 2024.
Anne Perzo-Lafond