C’est indéniablement un moment fort empreint d’émotion et d’authenticité qui a eu lieu hier en face du Comité du tourisme à Mamoudzou, puisque la culture et le savoir-faire mahorais ont été mis à l’honneur le temps d’une journée avec les artisans du sud de l’île. Accompagnés de leurs enseignantes, les enfants de cinq écoles de la commune de Bouéni ont travaillé avec Julia Maria Lopez, artiste plasticienne contemporaine, sur le nambawani en dessinant les emblèmes des différents villages afin de créer un saluva communal. « J’ai initié le projet Gardiennes de la mémoire à partir de l’expérience que j’ai eue sur le terrain, suite à ma première visite à Mayotte en 2018, notamment à l’école Bambo Ouest. J’ai ainsi voulu mettre en valeur les savoir-faire locaux, notamment du sud de l’île », raconte l’artiste.
Ce projet explore les relations entre le tissu, la mémoire, le territoire et la prise de pouvoir par les femmes. Julia a été choisie parmi plus de 200 artistes pour mener à bien un projet symbolique à Mayotte qui n’aurait pu aboutir sans l’aide de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). « A Mayotte il y a une forte tradition liée au textile, à l’habit, au tissu qui reflète en quelque sorte l’identité. Le sud de l’île est réputé depuis toujours pour son savoir-faire et son artisanat. C’était aussi l’occasion de travailler le textile avec des enfants et des femmes de différentes générations et de partager une expérience, un projet commun tout en permettant la transmission des traditions artisanales et locales », explique Julia.
Le nambawani en question représente des dessins d’enfants originaires de cinq écoles du sud sur la commune de Bouéni. « Il y a l’emblème des villages avec le visage de deux mamies qui ont transmis leur savoir-faire. On distingue ainsi des dessins en forme de coquillages ou encore des fruits à pin. L’école de Bambo Ouest est en quelque sorte la gardienne de ce patrimoine de Mayotte », indique Anssifati Halidi, membre de la FAAAB.
« Le plus important c’est la transmission, sans elle les choses s’arrêtent »
La présidente de la FAAAB, Daourina Romouli, était également présente lors de cette restitution et ne cachait pas son enthousiasme et son émotion de voir enfin la concrétisation de ce projet. « Il symbolise la transmission des savoir-faire avec notamment le travail des élèves de Bambo Ouest, mais aussi la valorisation du patrimoine mahorais. Il faut le promouvoir ainsi que la culture mahoraise afin de montrer qu’ils existent encore sur notre territoire. C’est un événement qui a un sens car le plus important c’est la transmission, sans la transmission les choses s’arrêtent », insiste-t-elle. Mais au-delà de la mise en valeur du patrimoine et des traditions, il y a dans ce projet Gardiennes de la mémoire quelque chose de plus profond qui touche notamment les questions sociétales du territoire. « Il y a des choses qui interrogent… Il faut comprendre ce qu’il se passe, il faut prendre le temps de regarder des sujets comme l’inceste et autres… Il est important pour nous de monter cela », ajoute la présidente.
Parmi les stands de produits artisanaux et locaux présents sur la place de la République se trouvaient aussi des jeux traditionnels mahorais ainsi que des casseroles en plein milieu ? « C’est un bordel organisé ! sourit Daourina Romouli. Les casseroles symbolisent le travail des femmes, les choses qu’elles font entre elles quand elles se réunissent en groupe, comme par exemple les repas, les tâches agricoles ou artisanales ou encore les manzaraka. Tout ce qui se passe à Mayotte ne se passe pas ailleurs ! », dit-elle.
Cette journée consacrée à la restitution du projet Gardiennes de la mémoire a donc fait la part belle au patrimoine mahorais et aux traditions culturelles en mettant en valeur l’artisanat, le mélange des cultures et des générations, mais aussi, et peut-être surtout, en montrant l’importance du rôle de la femme mahoraise dans la transmission des savoir-faire, de l’histoire et des valeurs de notre territoire.
B.J.