« Le problème concerne Mayotte dans sa totalité : les formations ne débutent pas parce qu’il n’y a pas assez de candidats. Nous avons donc décidé que ce ne serait plus les jeunes qui iraient au-devant des offres, mais la formation professionnelle qui se déplacerait auprès d’eux », rapporte Jean-Sébastien Talvy, Responsable des partenariats au CRIJ, Centre Régional d’Information Jeunesse.
Un vent de renouveau souffle sur la structure, et il en fait partie. Une agora a été organisée il y a quelques jours dans l’hémicycle Younoussa Bamana, le CRIJ souhaitait connaitre les attentes des jeunes, et ce jeudi, il y a foule à Koungou, sous le préau de l’école Maraicher. « Pour l’instant, le pari est réussi, puisque nous attendions une vingtaine de stands d’Organismes de Formation, mais quand ils ont vu le succès, plusieurs se sont rajoutés. C’est le résultat d’un partenariat solide qui est la condition sine qua non pour que ça fonctionne : l’ancrage local tout d’abord, avec ici la participation d’une association de parents d’élèves dynamique qui a regroupé les jeunes et joue auprès d’eux le rôle d’adulte relais, la commune ensuite avec une mairie qui a accompagné financièrement et avec la logistique, et nos financeurs que sont le conseil départemental et l’Etat. »
L’Etat se fait tirer l’oreille
Si le cadre du CRIJ les donne dans cet ordre, c’est que la participation n’est pas équilibrée, et à l’inverse de ce qu’on pourrait penser : « Le conseil départemental finance davantage que l’Etat. Pourtant, ce dernier abonde de 200.000 euros environ dans les autres départements, mais seulement 50.000 euros ici à Mayotte ». On pourrait penser à une péréquation démographique, mais cela ne tient pas la route de la statistique immuable de l’île : la moitié de la population est concernée pour avoir moins de 17,5 ans. « Et leurs besoins sont bien supérieurs qu’ailleurs. » L’Etat n’est pas seul à se faire tirer l’oreille, « seule la CC Sud s’est réveillée, il faut que les quatre autres intercommunalités nous sollicitent.
Pour la grande majorité, les formations proposées s’adressent à tous, quelle que soit la nationalité, « en dehors naturellement des secteurs aéroportuaires ou du RSMA qui s’adressent aux français ayant un casier judiciaire vierge pour des questions de sureté ». Pour les autres formations, Jean-Sébastien Talvy nous confie la difficulté : « Le vrai problème, c’est quand la date de validité du titre de séjour est inférieure à la durée de formation. Nous avons interpellé le préfet sur ce sujet, qui a répondu que cela n’empêchait pas de débuter la formation pour acquérir des compétences. »
Des difficultés qui se confirment quand on discute avec quelques-uns des 300 jeunes envoyés par la Mission locale ou Pôle emploi sur le Forum. Quand c’est possible car certains ne maitrisent que très peu le français, d’où l’importance d’un rattrapage comme nous l’explique Saindou titulaire d’un Bac de gestion finances obtenu en 2019, « j’ai pas pu avoir de formation parce que j’avais pas de papier. Mais là, j’ai un titre de séjour, j’ai passé un test et un entretien dans une association, et je commence la formation le 21 novembre avec 3 mois de remise à niveau et 6 mois de cours pour avoir un titre professionnel de conseiller commercial. »
Stagiaire de niveau CM1
Ce jeune homme, nous l’avons déniché au milieu d’une foule de filles, principal public de ces forums qui ont du mal à drainer les garçons. Pour elles ce n’est pas plus facile, « je cherche une formation d’employée commerciale en magasin », murmure Youznati qui a arrêté la scolarité en 4ème aux côtés de sa copine Samira qui s’est arrêtée en CM1.
Une réussite pour une première décentralisation des Forum de la formation professionnelles qui doit voyager à l’avenir de communes en communes. Le conseil départemental les finance à hauteur de 160.000 euros, sur un budget annuel de la DAFPI (Direction de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’insertion) de 12 millions d’euros, « le PUIC, Pacte ultramarin d’investissement dans les compétences de l’Etat arrive en complément, mais très tard cette année où il n’a été versé qu’en septembre », rapporte Kamal Mberou, Chef de service formation professionnelle à la DAFPI.
Des actions qui ne bénéficient pas d’un puits sans fonds, « nous avons versé un acompte au CRIJ avec complément à l’heure du bilan. C’est obligatoire car beaucoup d’élus se méfient des subventions aux organismes de formation professionnelles, nous devons leur prouver la réussite des opérations, et que les modules de formation financés sont bien remplis. Nous mettons en place des actions de formation qui correspondent aux besoins du territoire », assure en conclusion Nassuf Eddine Daroueche, Chargé d’insertion professionnelle à la DAFPI.
Anne Perzo-Lafond