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vendredi 17 janvier 2025

Mayotte symbole concret de la fracture entre l’action de l’Etat et la réalité des Outre-mer

Tous les élus ultramarins à l’Élysée, ça ne vous dit rien ? La rencontre de vendredi entre eux et Emmanuel Macron en rappelle furieusement d’autres. Alors cette fois, la volonté politique sera-t-elle la bonne pour gérer ces territoires à la fois français, et à la fois à la périphérie des intérêts nationaux. Les élus mahorais pourront en discuter avec Gérald Darmanin dont l’arrivée est annoncée pour début novembre.

Avec le CIOM (Comité Interministériel des Outre-mer) et une première rencontre le 7 septembre 2022, l’État veut donner des preuves d’affection aux outre-mer. Emmanuel Macron l’a annoncé ce vendredi lors d’une réunion avec tous les élus ultramarins : une rencontre spécifique à chaque département et territoire se tiendra à l’Élysée dans les mois qui viennent. Mais comment redonner confiance à ces derniers après les nombreux États généraux de l’Outre-mer notamment en 2009 sous Nicolas Sarkozy, ou le Grand Débat national issu du mouvement des gilets jaunes en février 2022, mené par Emmanuel Macron lui-même à l’Élysée.

Mayotte n’est pas être la seule à être en attente, « L’Etat sait qu’il n’est pas crédible dans les territoires d’outre-mer, et le gouvernement est dans la prudence : il ne veut pas trop s’engager pour ne pas se décrédibiliser davantage », le quotidien Le Monde rapporte là dans son édition de ce dimanche soir les propos de Johnny Hajjar, député socialiste de Martinique, corapporteur d’une mission d’enquête sur la vie chère. Qui assure que le président de la République met le doigt où ça fait mal, en « ouvrant la porte à un changement de modèle économique » lorsqu’il a évoqué une « économie de comptoir et de rente » qui prévalait en outre-mer. Comme d’autres avant lui. Changer de paradigme était aussi une des volontés de son prédécesseur à l’Élysée, François Hollande avait annoncé vouloir mettre en place « un nouveau modèle de développement ».

 Wuambushu II confirmée

Les élus mahorais à l’Elysée vendredi dernier

Si les regards parisiens, que ce soit les politiques ou les médias, se tournent vers notre île c’est que la crise de l’eau matérialise l’échec de gestion des Outre-mer. On a vu l’expression sidérée du ministre Philippe Vigier ne comprenant pas pourquoi si peu avait été fait alors que l’urgence grandissait, « il y a urgence absolue à Mayotte de mener les travaux nécessaires qui auraient dû être faits avant. » Comment la gabegie d’un syndicat des Eaux jadis florissant a pu être commise alors que, comme nous l’avions révélé, et répété depuis, l’Etat par l’intermédiaire de la DEAL, avait intégré le comité de pilotage en 2018 préconisé par la Chambre régionale des comptes. Une « tutelle » qui a fonctionné pour la CCI, pas pour le Syndicat des Eaux. Pourquoi ?

Et si la crise de l’eau est la partie visible de l’échec à Mayotte depuis Paris, les agressions qui continuent à être perpétrées sur les routes, un instant envisagées comme pouvant être régulées par l’opération Wuambushu, est la première cause de départ des compétences de l’île.

Sur ces deux sujets, devant les élus mahorais présents aux côtés de leurs confrères ultramarins, Emmanuel Macron a annoncé pour l’eau, « poursuivre des travaux qui ont duré depuis trop longtemps » et pour l’insécurité, le retour de son ministre de l’Intérieur début novembre, comme le rapporte le député Mansour Kamardine : « le Président Macron a accepté d’instruire la Première Ministre de lancer une 2ème opération Wuambushu qui devrait être annoncée prochainement par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ».

Échec de la lacrymogénisation de la délinquance

Gérald Darmanin, Jean-François Carenco, Mayotte, Wuambushu
Gérald Darmanin avait suscité beaucoup d’espoirs dans la population en juin 2023

Mais on l’a vu et pressenti, la paix ne s’obtient pas à coup de grenades lacrymogènes, une autre stratégie s’impose, à définir avec les élus locaux les plus dynamiques en termes de prévention notamment sur la parentalité, et en réfléchissant sur une législation adaptée à l’évolution de la délinquance juvénile. Sans quoi, ce sera l’échec assuré.

Les évolutions institutionnelles notamment de certains territoires vers plus d’autonomie, comme le demandent les élus martiniquais en écho à ceux de la Corse, seront étudiées et les conclusions rapportées dans le courant de l’année 2024.

Les ultramarins attendent beaucoup des suites de la rencontre de vendredi aux échos positifs. « Emmanuel Macron a respecté ses engagements jusqu’à présent », rapporte dans le Monde Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique, « C’était une grand-messe, mais utile », y témoigne également le député LR mahorais Mansour Kamardine. Qui demande que l’amendement sur la reconnaissance de Mayotte française à l’international  « que les députés Renaissance ont bloqué en commission des affaires étrangères dans le cadre de l’examen du budget 2024 de la mission ‘action extérieure de la France’ », soit « adopté ». Le parlementaire se réjouit que le président de la République se soit « enfin montré disposé à faire élaborer rapidement la ‘loi Mayotte’ ».

Philippe Vigier
Mansour Kamardine ici avec Philippe Vigier a appelé le gouvernement à « mener des actions conformes aux attentes des mahorais »

L’éloignement de ces territoires ultramarins de la métropole leur permet aussi de mettre de la distance dans l’analyse et de prendre du recul pour juger des bonnes méthodes pour leurs territoires, sans être « des mendiants », comme le souligne l’un des élus. Qui doivent aussi donner des preuves de volonté politique en local, et Mayotte est attendue sur ce sujet.

 Si les annonces d’Emmanuel Macron sont prometteuses notamment pour Mayotte, le premier travail à mener par les cabinets ministériels est de comprendre pourquoi toutes les volontés des gouvernements successifs de faire évoluer les outre-mer ne furent que des velléités, quels sont les effets bloquants, en gros, pour utiliser l’effet miroir, Paris a-t-il vraiment l’ingénierie nécessaire pour mener ce défi à son terme ?

 Anne Perzo-Lafond

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