Des escroqueries aux aides Covid, il y en a eu des centaines, qui ont fait les beaux jours des premières brigades de magistrats arrivés sur l’île. Nous avions titré en avril 2023, « Des aides Covid comme sorties des machines à sous ».
Car c’est de ça qu’il s’agit, de l’immatérialité de l’argent public, qui reste notre argent à tous. C’est donc un peu comme si nous avions tous participé à renflouer les caisses de commerçants qui ne remplissaient pas les cases pour le faire. Au fil des audiences, les certitudes des juges s’étaient affinées au point d’être plus indulgents envers ceux qui avaient fraudé dans l’intention d’investir dans leur activité que pour ceux qui avaient voyagé au frais de la princesse. Et de plus en plus d’accusés reconnaissaient les faits.
Le gérant de la société RIDALMET, sise à Dembéni et spécialisée dans la serrurerie et les ouvrages en métal, avait ciblé ces aides fournies par le gouvernement à l’initiative du président de la République, « quoiqu’il en coute », comme recette principale. « Ce monsieur a fait 19 demandes d’aide Covid entre juin 2020 et août 2021, et a obtenu 35.800 euros », établit la juge en l’absence du prévenu. »
Problème la société n’a été créée qu’en 2020, il ne pouvait donc pas déclarer de chiffre d’affaires pour 2019, l’année précédente. Un de ses collègues rédigeait les demandes et prenait 10% au passage. Sa petite entreprise ne connaissait plus la crise avant que les services fiscaux ne pointent ces décalages à la suite d’un repérage de 130 retraits d’espèces à la Caisse d’Épargne ainsi que des virements à des personnes de sa connaissance.
« La phobie administrative, on connait ! »
La représentante de l’administrateur judiciaire rapportait la teneur des dépenses : « Il a acheté pour 11.500 euros de marchandises pour son activité, a payé les billets aller-retour Mayotte-Dubaï, tout cela est en rapport avec l’activité de la société, il reste l’achat d’un scooter et les virements à des personnes physiques. Je précise que la société n’est pas en mesure de rembourser. » Elle serait quasiment en liquidation et son gérant parti à La Réunion.
La consommation à tout-va de l’argent public, sirkali ici, était dans le viseur de la vice-procureur Louisa Aït-Hamou, « c’est notre argent à tous, il n’y a rien de magique », et sur la défense agitée par les fraudeurs tel que M.S. d’une difficulté de compréhension des rouages administratifs, « on se dit que si les impôts nous donne cet argent, on y a droit », elle répondait, « la phobie administrative, on connait, elle a été brandie par un ancien secrétaire d’Etat*, mais là, ce monsieur savait que sa société n’existait pas en 2019, c’est une atteinte au contrat social. »
La vice-procureur requérait 6 mois de prison avec sursis, une amende de 15.000 euros avec sursis, une exclusion des marchés publics et une interdiction d’activité commerciale pendant 5 ans. Ce que la condamnation reprenait en tout point, avec une obligation de rembourser 35.800 euros à l’agent judiciaire de l’Etat.
A.P-L.
*L’ex-secrétaire d’Etat Thomas Thévenoud et son épouse ont été condamnés pour fraude fiscale, après avoir « omis » de déclarer leurs revenus de 2009 à 2013