L’aménagement de l’île se tisse peu à peu notamment grâce aux cessions de terrains clés en main par l’Établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM) aux bailleurs sociaux. Seuls deux sont présents à Mayotte : AL’MA (Action logement) qui posait ce matin la 1èrepierre d’une résidence destinée aux jeunes actifs à Kawéni, et la SIM, Société Immobilière de Mayotte, qui recevait ce mardi plus de 100 hectares de terrains sur trois zones différentes, par le biais d’une convention signée avec l’EPFAM.
Ou plutôt l’avenant d’une convention signée en 2020, qui a nécessité un recadrage au fur et à mesure que se précisaient les projets issus d’une longue négociation de foncier.
Il s’agit de la future ZAC de Doujani, 35 ha, de 46 ha à Tsararano, et de 20ha à Mjini, un plateau sur les hauteurs de Bandrélé. Les aménagements sont différenciés en fonction des projets. « La grande majorité sont des logements, mais pas tous à vocation sociale, certains seront privés. Il y aura également des constructions publiques comme une école, un lycée, des club sportifs, des commerces, des aires de jeux. L’objectif c’est de faire Ville », décrit Yves-Michel Daunar, Directeur général de l’EPFAM. Pour un montant global de 250 millions d’euros.
Sur la ZAC de Doujani, la première opération « Canopée » concerne autant l’aménagement de commerces que celui de logements, une méthode éprouvée, rapporte le président de l’EPFAM, Raynald Vallée : « Si nous commençons par des logements, les habitants se retrouvent isolés, les lieux sont squattés. Il faut mener les deux de front ». Doujani, un quartier « à l’image dégradée », ont bien conscience les acteurs, « justement nous voulons lui donner une autre résonnance, et nous commençons par nous-mêmes puisque nous allons y installer le siège de l’EPFAM. » La société va atteindre ses 50 salariés, on est bien loin des débuts timides de l’implantation en 2017, il y a à peine 6 ans.
Au moins 4 ans pour acquérir le foncier…
Or à Mayotte, les besoins en aménagement en vrais quartiers sont immenses, tellement que les deux bailleurs sociaux doivent suivre un rythme soutenu, « Nous avons du mal à écouler tout le foncier aménagé », glisse Yves-Michel Daunar. Son directeur aménagement explique ne pas attendre : « même si le terrain n’est pas encore viabilisé, nous attaquons la construction de logements. » Ali Ahmed Mondroha, Directeur général de la SIM, enchaine : « C’est le cas à Doujani, nous allons déposer le premier permis de construire ce mois-ci. »
Cette signature d’avenant est plus que symbolique de la difficulté qui attend les acteurs de l’aménagement : le temps de la maitrise foncière. « Le plus rapide c’est Doujani, car une partie du foncier appartenant à la mairie de Mamoudzou a été acquis en 2022, et l’autre relevant du SMIAM* est en cours de transfert à la ville. Pour Tsararano, ce sont 4 propriétaires fonciers sur les 46ha, la procédure d’expropriation est en cours, nous aurons le foncier courant mars 2024. Enfin, à Bandrélé, le projet est plus long car nous sommes en négociation avec le conseil départemental propriétaire du terrain. »
Le président en fait une synthèse : « En règle générale, les négociations amiables ne marchent pas, ce qui implique des procédures longues de 4 ans en moyenne, voire plus quand il y a des difficultés foncières. » L’EPFAM a donc décidé d’opter pour une méthode ferme : « Nous systématisons la DUP, la Déclaration d’Utilité Publique autrement dit, l’expropriation avec indemnisation bien sûr. Ce qui permet au moins d’encadrer les délais ».
Pour Ahmed Ali Mondroha, l’arrivée de l’EPFAM il y a 6 ans a accéléré les choses, « c’est une aubaine », surtout depuis sa montée en puissance. Car il faut peu à peu remplacer les bidonvilles par des logements en dur, « nous avons toujours l’objectif de 5000 à 6000 logements à construire en 10 ans. »
Anne Perzo-Lafond
*Le Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte est en cours de dissolution, avec une longue période de répartition des actifs entre les collectivités concernées.