« 5 à 10% des enfants naissent chaque année avec des troubles du neurodéveloppement, ce qui représente 70 000 naissances en France et 500 naissances à Mayotte », dévoile Fahoullia Mohamadi, la présidente de l’association M’lezi Maore lors de son discours d’inauguration. On comprend donc que la création d’une structure dédiée à ce type de handicap était plus que nécessaire sur le territoire. Si l’autisme est le trouble le plus connu et sans doute celui qui nécessite l’accompagnement le plus conséquent, il existe plusieurs troubles du neuro-développement chez l’enfant qui, s’ils ne sont pas pris en charge, handicapent fortement les personnes atteintes dans tous les domaines de leur vie (scolaire, social et familial notamment). Le Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) en fait partie, mais aussi les troubles de l’apprentissage ou les troubles de la communication.

Comme un diagnostic précoce est essentiel pour prévenir le sur-handicap, la plateforme accueille en priorité les enfants entre 0 et 7 ans, mais les plus âgés sont bien sûr les bienvenus également. Etabli sur les deux étages d’un bâtiment privé, le rez-de-chaussée de cette plateforme est dédié à l’accueil de jour de l’association Mayotte Autisme. Y sont réalisées des activités spécialement conçues pour améliorer le quotidien des enfants atteints de troubles du neuro-développement. Les 1er et 2ème étages sont quant à eux réservés aux diagnostics. Ceux-ci sont, pour le moment, réalisés avec des médecins et des psychologues spécialisés en visio-consultation depuis la métropole. « Notre but à terme serait de faire venir des spécialistes sur place, mais pour l’instant c’est difficile, donc on doit se contenter de la visio », explique la présidente de Mlézi Maoré. Toutefois les trois associations partenaires (Mlézi, l’Apajh et Mayotte Autisme) forment des facilitateurs pour que les enfants puissent communiquer plus aisément avec les spécialistes.
Une plateforme financée à hauteur de 1,35 million d’euros par an par l’ARS
Pour prendre en charge les enfants mahorais atteints de ce type de troubles, l’ARS n’a pas lésiné sur les moyens puisqu’un budget d’1,35 millions d’euros par an a été alloué à cette plateforme. Il faut dire que les coûts des médecins spécialistes sont particulièrement élevés et que les troubles du neuro-développement chez l’enfant nécessitent un accompagnement de tous les instants. « Notre but est aussi de convaincre les parents mahorais que l’autisme ou les autres troubles du neuro-développement ne sont pas une fatalité et qu’avec un bon accompagnement, les enfants atteints peuvent tout à fait s’en sortir dans notre société », a affirmé Jean-Louis Garcia, le président de l’Apajh au national qui a fait le déplacement sur l’île aux parfums avec plusieurs autres membres du bureau pour assister à cette inauguration. Souhaitant « contrer la culture du fatalisme » sur le territoire, le président et ses collègues vont demeurer 5 jours à Mayotte pour visiter les différentes structures reliées à leur association. « En France nous avons déjà un gros retard concernant la prise en charge de ces troubles et à Mayotte les besoins sont considérables », martèle-t-il.

Le président a également insisté sur la nécessité d’aller à la rencontre des familles, notamment via les CCAS, pour leur expliquer de quoi souffre leur enfant et les inciter à venir consulter. Sur un territoire où le handicap, de quelle que nature qu’il soit, était encore tabou il y a fort peu de temps, et les troubles du neuro-développement presque complètement inconnus, cette plateforme constitue un progrès considérable dans la prise en charge du handicap sur l’île au lagon. Et, comme il faut bien rendre à César ce qui appartient à César, nous tenons à signaler que c’est notamment grâce aux efforts d’Ernestine Bakobog, créatrice et présidente de Mayotte Autisme, que cette plateforme a finalement pu voir le jour. Arrivée sur le territoire en 2017 avec un fils autiste, elle s’est battue pendant des années pour créer son association et alerter les pouvoir public sur la problématique de l’autisme à Mayotte. Un combat qui s’est finalement révélé payant puisque les autres associations dédiées au handicap sur l’île ont finalement unis leurs forces pour s’occuper de cette problématique en l’élargissant à toutes les formes de troubles du neuro-développement.
Nora Godeau