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Entre les écrans et les enfants, des parents plus ou moins vigilants

Du grand écran au petit et même au tout petit Smartphone, l’attrait est puissant chez les adultes comme chez les enfants. Au point de réduire à portion congrue les échanges familiaux. Avec des dommages unilatéraux dans les cerveaux des geeks en culottes courtes.

Ça a commencé dans les années 40 avec la télé, suivies par les consoles de jeux dans les années 90, et la déferlante des écrans n’a plus eu de limite avec les ordinateurs, tablettes, Smartphones, etc.

Des études se multiplient de nos jours au plan national pour alerter sur les retards qu’engendreraient l’abus de consommation des écrans. En 2018, un Envoyé spécial titrait « L’addiction aux écrans : « héroïne numérique » », qui mettait en évidence les dangers des écrans, et le diagnostic sévère d’une médecin de PMI Anne-Lise Ducanda, fondatrice du Collectif surexposition Ecrans (CoSE), « quand un écran s’allume, un enfant s’éteint ».

La pédiatre explique dans une vidéo que pendant ses premières années l’enfant interagit face à face avec les humains qui prennent soin de lui et découvre le monde avec tous ses sens : « il a besoin de toucher, de mettre à la bouche, de faire tomber, car son cerveau analyse l’effet de ses gestes, alors que devant l’écran, il reste passif. »

Cependant, la présentation du docteur Virginie Briard-Girard, cheffe de service de pédopsychiatrie, ce vendredi, nuance quelque peu la « faute au tout-écran ». Beaucoup de facteurs influencent en effet le cerveau des tout-petits, ainsi que l’érige la pyramide de Maslow : la satisfaction des besoins physiologiques (dormir, se nourrir, s’habiller), des besoins de sécurité (stabilité, protection), d’appartenance (dans un groupe), d’estime (être reconnu, aimé par les autres), et les besoins d’accomplissement de soi (s’épanouir, etc.) Beaucoup d’enfants ne capitalisent pas une pleine satisfaction de ces besoins.

On peut dire sans beaucoup se tromper, que l’écran peut faire son apparition à chacun des étages de cette pyramide, lorsqu’il s’agit de combler un manque. Comme le disait la conférencière, il est là pour occuper l’enfant, « comme une super nounou. »

L’écran règne sur un enfant roi

Les conférencières : de droite à gauche, le docteur Virginie Briard-Girard, les psychologues Sarah Gawinowski et Nazlli Joma, et Echata Ibrahim

Le médecin rapportait plusieurs statistiques sur le temps passé devant les écrans, entre les addict américains, 5h par jour, et des finlandais plus détachés, 56 minutes/j, les français passent 2h28/j dès 7 ans. « Certains enfants passent 5h par jour devant un écran ce qui équivaut à 3 années scolaires, et 85% d’interaction en moins avec les parents, provoquant d’énormes retards de langage ». Ce qui pourrait modifier les comportements à l’instar de ce petit garçons évoqué sur Envoyé spécial qui « ne peut manger qu’en jouant sur un écran », confie sa maman.

Les risques encourus sont les troubles visuels, l’obésité, des troubles de l’attention, « quand un enfant passe une heure devant un écran avant d’aller à l’école, il n’arrive plus à se concentrer ensuite », des comportements agressifs « par surchauffe cérébrale », un retard de langage. Un petit garçon qui ne parlait pas du tout s’est transformé au bout d’un mois sans écran sur recommandation du médecin et appliqué par les parents. « Un enfant sur 20 est signalé par les écoles pour ce genre de troubles. Ils doivent être accompagnés personnellement par une Assistante de Vie scolaire, mais il n’y en a plus assez au regard de la montée en puissance du phénomène », souligne Virginie Briard-Girard.

L’élément clé reste l’interaction, avec les parents, les frères et sœurs, « l’enfant se construit par imitation ». On peut donc dire que c’est le temps passé avec son enfant qui va faire la différence, et comme les journées ne sont pas extensibles, le temps d’écran doit être réduit. « Une télé dans le salon allumée en permanence réduit l’échange de 30% ». Sans compter le niveau sonore perpétuel.

Des écrans éparpillés façon puzzle

Des échanges nourris dans la salle sur la manière de gérer les écrans à la maison

A Mayotte, c’est une double pyramide qui nous impacte : à celle de Maslow avec une faible partie des enfants qui voient leurs besoins essentiels satisfaire leur développement, se rajoute la pyramide des âges, « 46% de la population a moins de 14 ans. » Et les milieux précaires sont autant touchés avec les réflexes d’achat prioritaire de télé écran plats et quasiment tous les ménages (90%) possèdent un téléphone portable en 2017 à Mayotte (INSEE), et un sur six ont une tablette numérique.

Si tous s’accordaient à dire qu’il faut une campagne de sensibilisation, un intervenant dans le public incitait auparavant à effectuer des études spécifiques avant de lancer des campagnes qui seraient inadaptées.

Lors des échanges avec la salle, un enseignant indiquait que ses filles se levaient une heure avant lui pour regarder la télévision le matin. « Elles regardent aussi le soir, comment remplacer les écrans ? »

En retour, une maman lui expliquait avoir donné le cadre dès le départ, « pas de télévision en semaine, que le week-end, et encore encadré, j’ai mis un minuteur à 30 minutes, elles savent que quand il se déclenche, elles doivent faire autre chose. J’ai acheté des jeux de société, des puzzles, et le calendrier des jours avec télé est collé au frigo.  Je leur autorise les écrans qu’au moment de leur faire les tresses. Par contre, depuis que nous sommes rentrées à Mayotte, et qu’elles ne peuvent pas sortir librement, la télévision a gagné de la place. J’essaie quand même de reproduire notre jeunesse à Mayotte en les incitant à jouer avec tout, des bouts de bâton, etc. et je leur donne des feuilles, des feutres pour qu’elles laissent libre cours à leur imagination. »

Savoir dire « non »

Des écrans numériques… à l’école

Parmi les recommandations aux parents donc, le partage, « je sais que jouer avec ses enfants chez nous, à Mayotte, c’est compliqué, mais c’est important, l’enfant apprend de toute manière par imitation, donc il faut faire ensemble », remarquait la psychologue Nazli Joma.

Plusieurs consignes sont données aux parents par Anne-Lise Ducanda : « Il faut leur demander de limiter les écrans à une heure par jour, en un mois, les progrès peuvent être spectaculaires, qu’ils ne regardent pas la télévision avant d’aller à l’école, coder son Smartphone, ne pas offrir de tablette avant 6 ans mais des jeux d’imitation, un garage, une dinette, etc., lire des livres avec eux, leur parler beaucoup dans la langue maternelle, avec cette affection, ils apprendront plus vite le français à l’école et si le CSA préconise d’interdire la télé avant 3 ans, ça doit être valable pour tous les écrans. » Et attention, nous avons gardé le meilleur pour la fin, « lui dire non, même si ça se passe mal au début, il ne vous en aimera pas moins. »

Un thème qui tourne donc autour de la parentalité et de la capacité de chaque parent à donner des bornes à ses enfants tout en partageant avec lui.

D’autres dates pour cette conférence qui se rendra le 7 novembre à la MJC de Mtsamboro, le 14 novembre au cinéma de Chirongui et le 21 novembre à Pamandzi. Et dans le cadre de la Semaine de la Santé Mentale qui se déroule du 7 au 20 octobre sur le thème « A tout âge de la vie, la santé mentale est un droit », se déroulera une matinée qui regroupera de nombreux services du Pôle SAME et la maternité pour parler de la santé mentale du bébé à l’âge adulte, aussi ouverte aux professionnels et au public, le mercredi 11 octobre de 8h à 12h à la MJC de M’gombani.

Anne Perzo-Lafond

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