C’est une rencontre dont les syndicats nous avaient expliqué ne pas espérer grand-chose. Les branches santé de la CFDT, CFTC, CGT, FO et UNSA, étaient attendues au CHM pour discuter de nouveau avec le préfet, en présence des directions de l’hôpital et de l’ARS. On leur avait fait savoir la veille que Thierry Suquet serait représenté, les laissant sur un sentiment d’abandon, « c’est incompréhensible vu l’importance de la situation et les tensions », lâchaient-ils.
La marge de manœuvre pour le représentant de l’Etat est mince : il avait annoncé la reprise de l’escorte policière du bus des soignants le matin comme le soir pour un temps donné, mais elle n’a pas empêché le caillassage du véhicule vendredi dernier à Vahibé. Et les jets de pierres peuvent tomber de partout à n’importe quel moment. Les soignants qui empruntent cette navette eux, veulent une solution sécurisante pérenne, « quoiqu’il en coûte », pour reprendre l’expression présidentielle à propos de la crise Covid.
La crise sécuritaire que connaît Mayotte n’ayant pas été endiguée par Wuambushu, quoiqu’en disent certains représentants de la préfecture, l’intersyndicale attend une solution à la hauteur. Il faut donc monter en grade : « Nous avons une seule exigence, que les agressions cessent sur nos trajets aller et retour et au boulot. Qu’on n’ait plus besoin d’Evasaner des soignants comme ça vient d’être le cas avec notre collègue étudiante blessée à l’œil. On ne veut pas risquer notre vie à chaque fois, c’est quand même pas trop demander ! Surtout par des jeunes que tout le monde connaît », lâche Zakoini Hamada, président de la CFTC santé sociaux Mayotte.
« Des fers de lance »
La rencontre de ce mardi, avec donc la directrice de cabinet du préfet, ils l’ont abrégée. « Nous y sommes allés pour dire que nous ne voulons pas de discussions stériles. Nous avons une expression qui dit, ‘ça va être comme le Coran de Moheli !’, c’est à dire qu’on le rabâche à l’infini. On ne vit pas la même chose, nous qui sommes sur les routes le matin tôt et le soir tard, et eux, nous n’avons pas les mêmes infos. Nous voulons de vraies solutions pérennes. »
Par conséquent, le droit de retrait lancé vendredi dernier est désormais illimité. Comme l’intersyndicale l’a annoncé, cela se traduit par un service minimum, « de prise en charge des urgences, de tous ceux qui arrivent par le SMUR ou les pompiers, et des malades de l’épidémie de gastro. Nous faisons fonctionner la chirurgie ambulatoire, mais les consultations sont fermées. » En témoignent les longues files de malades qui attendent chaque jour devant le CHM.
De son côté, la préfecture communique ce mardi soir pour indiquer vouloir poursuivre le travail entamé « pour identifier, site par site et situation par situation, les besoins de sécurisation et apporter des réponses territorialisées, concrètes et efficaces ». Le préfet propose aux représentants du personnel du CHM une nouvelle réunion de travail en ce sens dès la semaine prochaine. « Face à la délinquance et aux tentatives de mise à l’arrêt des services publics à Mayotte, c’est en travaillant tous ensemble et au plus près des problématiques de terrain que nous pourrons améliorer la sécurité de tous les professionnels et de tous les habitants de ce département. »
Le représentant syndical le répète à plusieurs reprise, le mouvement pourrait déboucher sur « un tsunami » : « C’est en même temps la tranquillité de la population mahoraise dans son ensemble que nous défendons. On ne peut plus rester sans rien faire en priant pour qu’il ne nous arrive rien. La seule mesure qui pourrait nous calmer, c’est qu’ils nous mettent en relation directe avec le ministère de l’Intérieur. Pour l’instant, c’est un droit de retrait avec un service minimum, mais nous voulons être les fers de lance de solutions à l’échelle du territoire. En tout cas, nous restons mobilisés jusqu’à l’arrivée du ministre. » Annoncée autour du 26 septembre.
Anne Perzo-Lafond