Que de maux ressentis au quotidien face à la complexité de ne pas maitriser à minima les quelques bases linguistiques et numérales nécessaires. Des bases encore plus fragiles lorsqu’il est question d’une langue nationale qui se veut paradoxalement étrangère à celle entendue et pratiquée au sein même de son foyer et ce, depuis finalement ses premiers jours. Caractérisées comme allophones, nombreuses sont les personnes sur notre territoire à ne guère maitriser le phrasé de Molière. Un handicap évident, facteur aggravant d’une cassure sociale en termes de communication, d’insertion, de perspectives futures et, au final, de personnelle et profonde dévalorisation.
À ce premier frein analytique, se greffe tel un cercle vicieux à effet domino, d’autres dommages collatéraux pouvant justement amplifier les causes mêmes de l’illettrisme, voire de l’analphabétisme, si les personnes concernées ne peuvent, pour X ou Y raisons, être scolarisées. Sans secret, l’équation de notre île est simple : beaucoup d’enfants et pas assez d’écoles. Les 3 à 15 ans révolus, recensés non-scolarisés ou déscolarisés, seraient, à minima, entre 5 379 et 9 575, selon le récent et conjoint rapport de l’Université Paris-Nanterre et du Centre de recherches éducation et formation (Cref). Mais alors que faire ? Croiser les bras et attendre des étatiques miracles telle une fataliste société bien assistée mais paradoxalement revendicative, voire fielleuse, surtout derrière son écran ? Ou bien se retrousser les manches et être force de proposition ascendant efficiente et transitoire solution ? Certains ont clairement choisi les actes, sans pour autant délaisser les mots et, fort heureusement, cette dynamique se veut porteuse aussi, pour minimiser le sociétal chaos.
Ça n’est pas l’École de la République…
…Mais c’est tout aussi pratique ! Comme d’autres ouvertes des années en amont, notamment en Grande-Terre grâce à l’initiale et précurseuse inspiration de Chaharoumani Chamassi, l’École du civisme, c’est une noble initiative d’offrir une structure d’accueil et d’apprentissage aux jeunes ne pouvant pas, dans l’immédiat, intégrer les rangs des scolarisés du rectorat.
À partir de 6 ans, ils sont accueillis tout au long de la semaine, par leurs médiateurs encadrants et au moyen de divers ateliers plurithématiques et concrètement parlant, ils apprennent. Les bases grammaticales de leur propre langue maternelle et par saine corrélation, celles du Français. Un petit pas pour la Nation mais un grand pas pour Mayotte et notamment ces 40 élèves qui s’investissent, sont d’heureux d’être là, occupés, stimulés et, implicitement, valorisés en vue d’intégrer par la suite le système éducatif traditionnel, une fois le niveau minimal acquis et les places disponibles : « Notre mission c’est d’accompagner de manière quasi personnelle ces enfants, leur donner les outils nécessaires pour qu’ils puissent regagner les bancs de l’école classique dès que possible. D’année en année, nous constatons réellement les progrès et notre manière d’enseigner, à l’image de cette société finalement, se veut aussi d’évoluer » nous indique Adrien Michon, directeur de la politique de la ville et de la cohésion sociale CCPT* et co-impulseur/créateur de cette École du civisme petite-terrienne.
Une efficacité nourrie d’une indéniable popularité à en juger la forte demande, comme le souligne Charafoudine Soufiane, adulte relais, chargé de la prévention spécialisé CCPT et gérant des lieux : « Depuis notre implantation il y a plus de 3 ans, le bouche à oreille a fait son effet. Nous sommes au coeur de ce quartier qu’est la Vigie, j’habite même juste à côté et nous sommes perçus par bien des parents comme LA solution pour éduquer, enseigner et cultiver leurs enfants afin d’éviter qu’ils ne se perdent dans ce phénomène de oisiveté bien trop facile d’accès en notre territoire. Les mentalités ont fort heureusement changé. C’est bien que ces parents poussent leurs enfants vers le chemin de l’école plutôt que de les tirer à la maison pour les aider et nous sommes là pour faire en sorte de continuer à stimuler leurs envie et soif d’apprendre ».
De la pratique à la réalité
Comment agrémenter ce linguistique cercle vertueux, par-delà les murs de notre École du civisme. Et bien oui ! Si un enfant peine toute la journée à apprendre les bases du Français et que dès qu’il réintègre son domicile ou qu’il est en week-end, tout se recentralise sur la langue maternelle, cela rallonge la phase d’apprentissage et n’aide guère paisiblement la gymnastique d’esprit.
En ce sens, débuté l’année dernière, l’école en question propose également, en dehors des cours ’’magistraux’’, des ateliers d’échanges et de paroles auprès des élèves et de leurs parents pour forcer à la pratique et que cela soit profitable à tous. Petit couac manifeste ? L’investissement… En effet, même si les parents encouragent leur progéniture à se rendre sur les bancs scolaires, concernant l’approche participative de leur côté, elle ne veut guère au rendez-vous et cela est une profonde piste de réflexion pour la direction de l’établissement : « Nous avons réellement besoin de trouver ce petit déclic pour que les pères et les mères se sentent plus impliqués et adhèrent pleinement, de manière active, à l’éducation de leurs enfants en lien avec cette société. Créer en parallèle une École de civisme pour les parents ? Pourquoi pas et je suis réellement prêt à aller m’informer de partout pour justement travailler dans le sens de cette astuce qui me tient à coeur et qui serait aussi un outil efficace contre la mise en marge et l’illettrisme chez les adultes » nous confie Charafoudine Soufiane.
Armés de leur plume et de leur micro, nos jeunes hôtes ont offert à la spectatrice assemblée, dans le cadre de cette festive matinée, différentes représentations théâtrales, musicalement vocales mais également (et sainement) compétitives, des textuelles joutes au moyen de 2 dictées; une pour les petits et l’autre pour les grands. Et même si quelques perfectibles coquilles orthographiques ont été soulignées par les membres du jury correcteur, les notes se voulaient bonnes, surtout celles de la bonne humeur et de la participation. Lorsqu’il est question d’appendre, il n’existe aucun perdant.
Un grand merci à ces acteurs de l’ombre de plus en plus soutenus par des politiques publiques conscientisées au regard de ces enjeux majeurs qui touchent, qu’on le veuille ou non, nos futurs citoyens du Monde et de demain.
MLG
*Communauté des communes de Petite-Terre