Nous y voilà, près de dix ans après la précédente campagne (2012-2013) qui avait ciblé 8 forages, dont 6 furent exploitables, cette sixième campagne s’amorce dans le dur et dans le vrai, des suites d’un marché décroché et validé fin 2020. « Nous étions acteurs de la 5ème campagne mais comme la suivante semblait ne pas s’enclencher aussi rapidement que tout le monde le pensait, nous avons fait le choix de replier notre matériel et de repartir en métropole tout en guettant bien entendu ce potentiel et futur appel d’offre qui est tombé en plein milieu de la période Covid » se souvient Étienne Gatelier, directeur de l’activité forage au sein de l’entreprise Sade.
Des chantiers imbriqués dans un grand tout
Entre fin 2020 et cette rentrée 2023, on peut se dire, déjà 3 ans de perdus ! Mais dans les faits concrets et techniques, il n’est guère cette approche. En effet, pour qu’un chantier puisse débuter, il faut, d’une part, au minimum 6 mois de préparation et d’installation de matériels pour l’entreprise en question, auxquels se greffent d’autres facteurs et intervenants notamment les pré-études de connaissances obligatoires relatives à l’intensif et pertinent travail du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de Mayotte, acteur et partenaire des services de l’État : « Pour implanter les forages, comme il a été cas antérieurement, il est évident que c’est le Brgm qui a la connaissance du territoire. On utilise différentes méthodes par géophysique, hydrologie, ainsi que des process géophysiques permettant une cartographie du sous-sol » nous indique Anaïs L’Hotelier, hydrologue au sein de ladite institution. Un certain nombre de méthodes qui permet de pressentir la présence de l’eau avec positifs indicateurs en des sites stratégiques. Des sites proposés au client — dans ce cas de figure les Eaux de Mayotte — dont le contrat initial, passé en 2017, visait une tranche ferme de 5 forages et une autre conditionnelle de 5 forages également. « Une fois notre travail scientifique établi, nous assurons également l’étude précise des besoins pour le forage en lui même. Pour cette campagne, il était notamment question de diamètres plutôt conséquents que les entreprises implantées localement ne pouvaient pas assurer. Il a donc fallu englober tout cela en plus des autres pré-études obligatoires et parallèles qu’on oublie souvent mais qui sont assez lourdes comme l’approche environnementale, les espèces protégées et autres entreprises relatives à l’accès des sites en eux mêmes ». Des entreprises d’élagage mais également d’élaboration et construction de pistes d’accès à ces différents sites, aussi au prorata des besoins exprimés par l’entreprise de forage en lien avec le type de matériel qui doit être acheminé etc. C’est au final un effet domino relativement bien rythmé qui s’est échelonné ces 5 dernières années et encore plus, durant ces 3 dernières, épisode covidé compris !
Déroulé type de cette campagne
Au regard des besoins actuels, cette campagne visera donc 10 sites dont les 2 premiers s’établissent sur Coconi puis Combani. Deux sites qui bénéficient déjà d’une piste d’accès, ce qui n’est pas négligeable en termes anticipatoire et organisationnel, sachant que les travaux pour le tracé de Dembeni, troisième site concerné, commenceront également cette semaine. Comment se déroule cette phase exploration et forage justement ? Il est d’abord question d’un forage de reconnaissance en petit diamètre, à une profondeur moyenne de 120 à 150 mètres. Des suites de cette reconnaissance, il est mis en place un premier système d’échantillonnage au moyen d’un pompage de 4 heures en moyenne afin d’avoir d’une part, une idée du débit et, d’autre part de pouvoir faire une analyse succincte et rapide de cette eau, par l’entreprise Eau environnement conseil océan Indien (EEC OI), pour définir le potentiel de ce site et poursuivre ou non le forage, cette fois-ci, à gros diamètre. « La première phase de reconnaissance s’étale en moyenne sur 2 semaines. Si les résultats tests ne sont pas concluants, on ne perd pas de temps et on passe sur le site suivant. Dame Nature n’est pas une science exacte mais les pré-études du Brgm sont généralement efficaces et dans le cas d’une poursuite d’exploitation, nous sommes alors sur un chantier de 2 mois, analyses de la qualité et études pérennes d’exploitation plus poussées incluses » précise Étienne Gatelier.
Pour cette campagne de 20 mois, « financée à 100% par l’État » comme tient à le rappeler, Philippe Vigier, il est estimé un taux de réussite de 7 sites sur 10, soit une mise en production de 75% pour une exploitation journalière de 500 m3 par forage. « C’est un vrai plan Marshall que nous sommes en train de faire » déclare le ministre aux Outre-mer, avant de poursuivre : « Nous apportons une vraie somme de solutions (ndlr – osmoseurs, usine de dessalement…) avec pour objectif, à la fin 2024, d’apporter des sécurités tout au long de l’année. Merci encore aux mahoraises et mahorais qui ont accepté d’avoir moins d’eau. Merci à tous les services autour du préfet qui font un travail formidable, je suis venu leur dire confiance et transparence; on dit les choses, on les dit clairement, l’État est là et sera là demain » déclare dans le blanc des yeux de la caméra de nos confrères de Mayotte 1ère, le successeur de Jean-François Carenco.
Forages d’urgence
En parallèle de cette campagne classique et programmée sur le plan 2019-2022, qui se poursuit dont sur 2023-2026, pour un montant global de près de 5 millions d’euros, il s’est mis en place des campagnes de forages d’urgence sur 3 sites, également identifiés par le BRGM, avec des foreuses fournies localement, descendant à plus ou moins 80 mètres. Des sites qui laissent présager pour Miréréni une production journalière de 600 M3 d’eau, Bandrélé, 400 à 500 m3 et un autre non loin de Coconi en cours d’étude, plutôt prometteur aux dires du directeur des Eaux de Mayotte, Ibrahim Aboubacar sur lequel « si l’eau est légère, peut être exploitée d’ici février 2024 prochain« . Une eau chargée de minéraux effectivement potabilisée de manière plus ou moins intensive, 2 mois au mieux par procédé de filtration chimique classique.
Les potentiels problèmes récurrents se voulant de l’ordre ferreux/manganèse où cela prend plus de temps, de l’ordre de 6 mois comme il fut cas sur le forage de Miréréni où il a été question de fabriquer l’équipement de traitement adéquat car non disponible sur notre île.
Des perspectives concrètes, aspirées et tant espérées à horizon 2024 qui ont donc été perçues de manières directes par le nouveau délégué gouvernemental aux Outre-mer, par le biais duquel il est félicité la réactivité aussi pécuniaire de l’État, comme nous l’ont souligné globalement les élus et hauts dignitaires présents lors de cette visite ministérielle mais qui, toutefois « auraient pu être anticipées bien en amont si l’État n’avait pas voulu faire de la politique à la place des politiques, en conditionnant trop certains investissements. Les moyens d’urgence sont octroyés pour traverser cette crise, dorénavant, j’espère que les choses iront beaucoup plus vite et qu’il ne sera plus jamais à déplorer une telle situation inacceptable car, malgré toute les solutions en perspective, rappelons que, au meilleur des cas, l’Eau ne sera pas là avant novembre prochain… » nous expose le député Les Républicains, Mansour Kamardine.
C’est en milieu d’après-midi que le convoi de Philippe Vigier s’est de nouveau envolé, direction la Réunion, par aéronef militaire, avant retour sur l’Hexagone, laissant les concitoyens mahorais, bien complaisants, à leur danse de la pluie et divines prières à l’aube de cette intensification des coupures de 2 jours sur 3… Chat échaudé craint l’eau froide, une fois de plus, attendons de boire/voir !
MLG