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L’Union Maritime au tribunal pour diffamation dans l’affaire du supposé faux arrêté de tarifs portuaires

Hier avait lieu le procès opposant la société Mayotte Channel Gateway et sa présidente, Ida Nel, à l’Union Maritime de Mayotte et son directeur, Norbert Martinez. Ce dernier est en effet accusé de diffamation pour avoir dénoncé en mai 2022, sur le plateau de nos confrères de Mayotte la 1ère, l’application d’un arrêté supposé frauduleux concernant certains tarifs pratiqués au port de Longoni.

L’audience a commencé avec près d’une heure de retard et a été émaillée de plusieurs suspensions d’audience dues notamment à la grève des greffiers. Néanmoins pour l’une de ses premières grosses affaires, Clément Le Bideau, nouveau magistrat arrivé dans l’île il y a une quinzaine de jours, a pu mener sereinement les débats, même si maître Michaël Chehab, avocat de l’UMM et de Norbert Martinez, pensait que l’affaire allait être renvoyée à la rentrée. « Le rapport fait par les enquêteurs n’a toujours pas été remis, il est en cours de finalisation. Je pensais que c’était une audience relai. Je fais donc une demande de renvoi », a-t-il indiqué au tribunal.

La grève des greffiers a quelque peu perturbé les débats, nécessitant des suspensions d’audience

Ce à quoi la partie civile, représentée par maître Fatima Ousseni et Benoît Jorion, se sont opposés. « Il n’y a rien qui bouge dans ce dossier, pourtant la diffamation a bien été caractérisée, interpelle maître Ousséni. L’UMM et Norbert Martinez ont mené des allégations de nature diffamatoires. On paralyse totalement cette infraction. Tout est bloqué. Nous voulons une justice droite et non pas au rabais. Nous avons saisi le tribunal pour avoir justice, elle doit être rendue. Dans cette histoire MCG est victime de faits diffamatoires », a-t-elle déclaré le procès à peine commencé. La défense a, quant à elle, dénoncé si l’audience se tenait ce jour, « Une tentative de faire échec aux droits de la défense ». Aussi, après une première suspension d’audience, le tribunal, contre toute attente, a décidé que le procès se tiendrait en lieu et place.

Que reproche-t-on exactement à l’UMM et à Norbert Martinez ?

Invité sur un plateau télé de Mayotte la 1ère dans l’émission Zakweli le 21 mai 2022, ce dernier a laissé entendre et même affirmé que l’arrêté N°3 régissant les tarifs d’occupations portuaires du port de Longoni était un faux et était donc illégal. Mettant en cause directement la société MCG dirigée par Ida Nel qui dispose d’une DSP (délégation de service public) de la part du Conseil départemental depuis plusieurs années pour la gestion du port. Par ailleurs, Norbert Martinez avait envoyé à l’ensemble des médias de l’île un communiqué de presse quelques jours auparavant dénonçant cet arrêté. Après plusieurs tentatives de la défense pour obtenir un renvoi, concernant notamment la procédure, le tribunal a finalement rejeté l’exception de nullité. Maître Chehab a alors demandé à ce qu’Ida Nel soit citée à comparaître. N’étant pas présente à l’audience, il pensait sans doute obtenir un ultime renvoi. Mais par miracle, quelques minutes après, Ida Nel fit son apparition au tribunal. L’audience pouvait donc bel et bien se tenir.

De nombreux documents, administratifs notamment, ont été versés au dossier

Ainsi, l’objet du litige dans cette affaire de diffamation est de savoir si le fameux arrêté régissant les tarifs d’occupation portuaire est un faux ou pas. Selon les avocats de MCG, l’authenticité de cet arrêté ne fait aucun doute, le Conseil départemental aurait validé dans un courrier datant de mars 2016 les tarifs pratiqués par MCG, même s’il a considéré qu’ils étaient élevés « mais acceptables ». De plus, selon maître Jorion, l’expertise graphologique menée pour vérifier l’authenticité de ce document, notamment la signature de l’ancien président du Conseil départemental, n’a pas prouvé que c’était un faux en dépit de la décision de l’expert qui a conclue le contraire. « Le graphologue consulté pour vérifier l’authenticité de l’arrêté n’est pas un expert en écriture. Nous avons soumis ce même document à un véritable professionnel qui a conclu l’inverse, prône-t-il. Ce document s’il était faux n’a donc pas pu être fabriqué par la MCG. C’est inenvisageable. Il n’y a donc pas pu y avoir d’utilisation frauduleuse. Par sa diffamation, monsieur Norbert Martinez a porté atteinte à l’honneur et à la considération de la MCG. On vise une société et une personnalité dans cette affaire », a-t-il asséné.

Maître Ousséni et maître Jorion ont ensuite, tour à tour, mis en exergue la modernité du port actuel grâce notamment à la société MCG. « Quand le port était géré par la CCI (Chambre de commerce et d’industrie), il était vétuste, les prix pratiqués étaient déraisonnablement bas, si bien qu’il n’était pas possible d’investir pour le moderniser. Depuis que le Conseil départemental a octroyé une DSP à la société MCG, le port connait une croissance de 8 % par an. Cette société a fait du port un outils moderne », ont insisté les deux avocats.

Précisons qu’à l’époque c’est le conseil départemental lui-même, qui bridait les investissements de la CCi au prétexte qu’une délégation de service public allait être émise.

Puis maître Ousseni a repris la parole, histoire d’en rajouter une couche. « Nous avons le souci de permettre une paix sociale sur le territoire. La diffamation ne peut pas être acceptée. Norbert Martinez s’est arrogé votre pouvoir en étant sûr de son fait, c’est un raccourci déplorable. Je vous demande donc de le reconnaître coupable des faits de diffamation public à l’encontre de la société MCG sur les propos qu’il a tenu dans l’émission Zakweli et de le condamner lui et l’UMM à 40.000 euros au titre des dommages et intérêts et de préjudice. A cela je vous demande d’ajouter 10.000 euros pour Norbert Martinez et 10.000 euros pour l’UMM ».

« Un document original » introuvable par les services de l’État

Ida Nel entourée de ses deux conseils : maître Benoît Jorion et maître Fatima Ousseni

Ida Nel est ensuite appelée à la barre par le président du tribunal concernant la gestion du port de Longoni par la société MCG. « Cela fait 45 ans que je vis sur cette île… En 2013, nous avons eu l’obtention d’une DSP concernant la gestion du port de Longoni, succédant ainsi à la CCI pour laquelle j’ai été présidente avant de me faire évincer par des magouilles pour que je démissionne. A partir de 2016 nous avons commencé à avoir des difficultés avec l’UMM, cela s’est manifesté par des attaques, du harcèlement, l’UMM n’était pas contente d’avoir perdu l’appel d’offre. A l’heure actuelle, oui les tarifs ont augmenté mais ils ont été validés en février 2016 ». Selon elle, 60 millions d’euros ont été investis depuis plusieurs années pour développer le port. « Avant la départementalisation le port n’avait rien de moderne, nous avons donc dû investir pour développer son activité. Quand nous avons pris la gestion en 2013, j’ai remis les pendules à l’heure. Depuis cette diffamation, les retombées sont négatives pour la société avec une série d’attaques, de contrôles fiscaux, de pressions et de contentieux », a-t-elle ajouté.

L’avocat de la défense, maître Chehab, prend alors la parole et bien qu’ayant demandé un renvoi au début d’audience, il maîtrisait parfaitement son dossier. On apprend ainsi que le fameux arrêté, objet de la diffamation, a été découvert, par hasard, par Ida Nel dans les affaires de son directeur, en janvier 2021, alors qu’elle cherchait un autre document. Après vérification auprès du Département, personne n’avait eu connaissance de cet arrêté. Le seul document qui a été retrouvé est un projet d’arrêté mais sans signature, alors que celui en possession de la société MCG était bel et bien signé et disposait du tampon de la République. « Le Conseil départemental n’avait pas l’arrêté puisqu’il l’avait perdu, explique la dirigeante. C’est ce que l’on m’a dit quand je leur ai demandé ».

Le problème dans cette histoire, comme l’a souligné maître Chehab, c’est qu’avant qu’Ida Nel brandisse cet arrêté sur les tarifications au port de Longoni, qui daterait du 28 avril 2016, personne ne l’avait jamais eu et vu. Rappelons même que les propositions d’Ida Nel de tarifs prohibitifs ont été déboutées à plusieurs reprises par la justice, notamment par la cour administrative d’appel de Paris. « L’arrêté est un faux et MCG utilise ce faux. A aucun moment mon client n’a dit que c’était Ida Nel qui était à l’origine de ce faux, mais que MCG a fait usage de cet arrêté, a soutenu l’avocat de la défense. Le fait que soit brandi, comme par enchantement, cet arrêté début janvier 2021 par Ida Nel sans que personne n’en ait eu connaissance est assez surprenant. Il y’a comme une nébuleuse autour des circonstances de son apparition. Il a été trouvé par hasard. Et malgré les investigations du Conseil départemental, sur la demande d’Ida Nel, pour retrouver une trace, cela a été infructueux ». La date de son apparition est elle aussi surprenante car avant qu’Ida Nel ne le brandisse, la société MCG ignorait même son existence. Maître Chehab a souligné ensuite « Les fautes d’orthographe, la syntaxe, des formulations totalement farfelues présentes dans le document. Sans compter la taille de la Marianne ou encore la signature de l’ancien président qui sont plus que douteuses ».

Maître Chehab, avocat de l’UMM et de Norbert Martinez

Mais au-delà de ça, la proposition d’arrêté retrouvée au sein du Conseil départemental diffère grandement dans son contenu de celui brandi par Ida Nel. Comme a plaidé maître Chehab, « Seul MCG possède ce document de l’arrêté. Il n’existe pas en préfecture, il n’y a pas de publication. Il demeure introuvable également dans les archives du Conseil départemental. Normalement, il doit être traçable et adressé aux services concernés, or le Conseil départemental ne peut pas confirmer cet arrêté. La seule preuve de l’existence de ce document c’est Ida Nel qui l’a. L’UMM a d’ailleurs saisi le Conseil d’État et le Département s’est constitué partie civile. Ce procès en diffamation est de mauvaise foi, il vise seulement à bâillonner la parole de Norbert Martinez. Je demande donc la relaxe pour mon client ».

Le tribunal a décidé de mettre en délibéré sa décision qu’il rendra le 12 septembre prochain.

B.J.

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