Un retour en arrière permet de comprendre l’ampleur du travail à mener sur ce fonds qui relevait jusqu’à présent de l’autorité de gestion préfectorale, comme les autres, FEDER, FSE, etc. Mais cet INTERREG censé ancrer Mayotte dans son environnement régional et faire du « gagnant-gagnant » avec les pays voisins, se faisait tirer l’oreille. Nos partenaires initiaux qu’étaient les Comores et Madagascar, refusaient de participer, pour le premier à une reconnaissance par cet accord de la francité de Mayotte, quand le second venait en soutien diplomatique, et défendait la revendication malgache sur les îles Eparses face à la France. Ces deux pays avaient fini par signer, mais sur la prochaine programmation, la France décidait d’élargir la coopération aux autres pays de la zone pour ne pas retomber dans les mêmes écueils.
Si le représentant du SGAR de la préfecture ce mardi se félicitait d’un « bon taux de programmation » de 71% sur cette enveloppe 2014-2020 de 12 millions d’euros qui tire sur la fin, le taux de paiement n’est que de 13%, c’est à dire de projets réalisés et payés. C’est dire les réticences. Et les dernières dépenses doivent être effectuées « avant le 31 décembre 2023 », indiquait Pierre-Emmanuel Leclerc, représentant de la Commission européenne, qui indiquer que la commission européenne défendrait que « la date de la dernière demande de paiement peut être repoussée d’un an », sous condition « que le parlement et le conseil accepte ».
Donc, pour cette nouvelle enveloppe 2021-2027, il y a eu élargissement et passage du bébé au conseil départemental. Cette fois, Madagascar et les Comores ont bien signé en 2022, ainsi que le Mozambique. Doivent rejoindre les rangs, la Tanzanie – et la visite de la délégation il y a dix jours est de bonne augure – et les Seychelles, « nous poursuivons notre lobbying pour qu’ils signent eux aussi un accord partenarial », indiquait la miss Europe du Département, Aina Salim.
Et toujours les visas et les normes phytosanitaires
La directrice des Fonds européens présentait les enjeux de ce fonds INTERREG Canal du Mozambique de 10,2 millions d’euros. Ils se déclinent en 4 axes de coopération régionale : le Pôle recherche, innovation, numérique et développement économique des entreprises, 1,6 million d’euros, le Pôle changement climatique et protection de l’environnement, 4 millions d’euros, le Pôle inclusion sociale de 3,4 millions d’euros et celui portant sur une meilleure gouvernance INTERREG, 1 million d’euros.
Des exemples ont été donnés de projets en cours de travail : l’importation de viande depuis Madagascar ou la création d’une compagnie maritime. Par le passé, des tentatives ont été menées sur ces deux sujets, toutes avortées, la première en raison des normes phytosanitaires, la seconde par difficulté de se mettre d’accord sur un pavillon, notamment, et de visas. A noter que le PDG de IBS monte son projet de compagnie maritime visant notamment à importer des cailloux de carrières anjouanaises. Il va falloir vaincre d’autres freins comme la frilosité de la France à délivrer des visas, notamment aux malgaches qui ont été nombreux à ne pas pouvoir se déplacer à Mayotte lors des foires et salons régionaux.
Autant d’écueils qui vont se présenter aux porteurs de projets, il faudra donc une équipe musclée à la cellule Europe du Département. Ils et elles sont actuellement 8, mais vont monter en puissance, « on s’est aperçu qu’il y avait deux directions Europe, le rapprochement des deux a été revu dans le nouvel organigramme ce qui leur permettra d’être 13 », indique Zamimou Ahamadi, 5ème vice-présidente du Département chargée des Finances et des Affaires européennes. La direction Europe est encore toute jeune, puisque créée en mai 2022, et a bénéficié de formation, « la DGOM et l’ANCT nous accompagnent sur le plan de formation des agents », souligne Aina Salim. Ce qui répondait à Pierre-Emmanuel Leclerc qui invitait à « étoffer l’équipe ».
« Combien d’hectares voulez-vous ? »
Si la Réunion est un des pays partenaires du fonds INTERREG Canal du Mozambique, l’autre RUP français est autorité de gestion de l’INTERREG « océan Indien », intégrant davantage de pays de la zone et doté de 63 millions d’euros.
Nos pays partenaires ont participé au Comité de suivi, mais seul le représentant du Mozambique était présent à la conférence de presse, les Comores reviendront pour la photo en des temps diplomatiques plus apaisés, nous explique-t-on, quant à Madagascar, la réunion s’était tenue en visio « en raison de leur fête nationale ».
Mario Saraiva Ngwenya, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères du Mozambique, privilégie plusieurs secteurs de coopération : le tourisme, la culture, la biodiversité, le changement climatique, et l’agriculture. « Sur ce dernier sujet, je n’aurais qu’une question, combien d’hectares voulez-vous ?! », pour illustrer les vastes espaces disponibles contrairement à Mayotte.
Pour que les porteurs de projets puissent se manifester, un site internet « Programme Canal du Mozambique » va être créé dès septembre, avec publication des comptes rendus semestriels ou annuels du comité de suivi annotant la liste de ses membres.
C’est une petite porte d’entrée sur les fonds européens pour le conseil départemental, mais il sera regardé de prés, moyennant les bonnes volontés régionales.
Anne Perzo-Lafond