Le quartier jadis insalubre de Carobole se pare de ses plus beaux atours ce vendredi. C’est l’aboutissement d’un long et douloureux combat pour faire sortir les occupants de ce terrain malfamé de la précarité dans laquelle ils se trouvaient. Un combat contre les critiques des moralisateurs qui voyaient d’un mauvais œil cette opération conséquente de destruction de 350 cases en septembre 2021. Mais aussi contre des acteurs de trafic en tout genre qui voyaient leur business s’envoler, et s’en sont pris de manière violente à des habitants, au maire, « j’ai été menacé de mort », avait-il indiqué, à sa famille « la maison de mon ex-femme a été saccagée », jusqu’à l’incendie de la mairie . De nombreux jeunes ont été instrumentalisés pour semer la terreur.
Les habitants qui pouvaient y prétendre ont signé ensuite des conventions de relogement, soit 200 à ce jour, et étaient invités ce vendredi de fête au village autour de la Concession d’aménagement de Carobolé, par le groupement SIM-Colas. C’est carrément un petit village qui va s’implanter sur les 6 hectares du site, détaillait Ahmed Ali Mondroha, Directeur général de la Société Immobilière de Mayotte : « Un programme de 400 logements représentant un investissement de 60 millions d’euros, au milieu desquels on trouvera les locaux de la police municipale, une crèche associative, une école, un parc urbain, etc. » Un ensemble pour lequel le groupement va demander le label Eco-Quartier.
Les études vont être lancées rapidement, pour un démarrage des travaux des logements dans 7 à 8 mois nous expliquait-il, mais avec des premiers aménagements d’un investissement de 22,5 millions d’euros. Hors de question d’avoir une succession d’immeubles, nous a-t-on assuré, qui ne rimerait pas avec le label visé.
« Chez nous, c’était trop sale ! »
« Ça y est, on peut enfin vivre en sécurité dans ce quartier de Carobole ! », s’exclamait Daoud Saindou Malide, Conseiller départemental de Koungou.
Tous sont unanimes, c’est la ténacité du maire Assani Saindou Bamcolo, épaulé par son DGS Alain Manteau, qui a fait la différence. Un maire qui, avant de confier son soulagement de cet aboutissement, narrait une anecdote : « J’ai pris dernièrement une jeune fille qui faisait du stop à Longoni pour aller à Koungou. Elle m’explique avoir déménagé parce que son quartier de Carobole avait été rasé. Je comprends qu’elle ne sait pas qui je suis. J’en profite pour lui demander son ressenti. Elle m’a dit être soulagée, ‘quand on allait chez des amis, on ne pouvait jamais les inviter car chez nous c’était trop sale’, justifiait-elle. Je suis heureux d’avoir contribué à ça. »
Nous l’avons interrogé sur cette période difficile de septembre 2021 qui avait vu l’ensemble des maires le soutenir avec une marche blanche suite aux menaces essuyées : « Je n’ai jamais douté, les menaces, je passe au-dessus, ça ne m’a jamais fait peur. Il faut avancer quoiqu’il arrive. Et je tire ma détermination d’un travail depuis longtemps sur le projet, dès 2018, mais les réunions de concertations qui se tenaient avec d’anciens élus étaient davantage des freins. Enfin, nous avons abouti, l’objectif maintenant, c’est que les habitants reviennent chez eux. »
Trois « Mamas Solar » illuminent le quartier
C’est une Mélanie Guilbaud, très émue que nous retrouvons, la DGA Développement urbain qui a porté ce projet et les suivants, avec Bastien Camps, Chef de projet : « Je suis heureuse avant tout que ce territoire monte en compétence sur le renouvellement urbain. Avant, on démolissait et on parquait ceux qu’on nommait ‘les décasés’ dans un coin. Maintenant, on propose des hébergements provisoires en attendant les relogements. Malgré tout, je n’aurais jamais pensé que ce serait si dur, on n’aurait jamais réussi sans la ténacité du maire et de son DGS. »
Et comme ces programmes d’aménagement n’arrivent jamais seuls, tout un tourbillon d’actions satellites sont également menées. Parmi elles, les « Mamas solar », trois mères de famille de Carobole que nous avons suivies depuis leur départ au Sénégal pour une formation sur le photovoltaïque, et à leur retour. La mairie de Koungou avait signé une convention avec l’association indienne Barefoot College International qui forme des femmes en situation de grande précarité à l’installation de panneaux photovoltaïques. Derrière, un double enjeu : leur donner les clés d’une vie d’entrepreneure rentable pour elles et pour leur quartier, et offrir à ce dernier une source d’énergie propre et autonome.
Ces trois femmes de l’ancien quartier insalubre sont en quelque sorte l’avenir de Mayotte puisqu’elle vont désormais expliquer la méthode d’installation de panneaux photovoltaïques : « Vous voyez, là il faut brancher la batterie », ont déjà commencé à expliquer Haboulati Omar, Soifati Abdou, Zaharya Youssouf. Elles seront présentes à la Maison de projets pour conseiller les propriétaires de petits commerces sur l’autonomie énergétique et les personnes hébergées en logement provisoire.
Un esprit constructif dans tous les sens du terme qui donne une autre coloration à la commune.
Anne Perzo-Lafond