Tribune – Bientôt, le top départ pour la Mecque

Alors que s'annonce les premiers départs pour La Mecque ce lundi, notre chroniqueur, écrivain et Hadj Mouhoutar Salim, rappelle les fondamentaux de ce pèlerinage et livre quelques conseils, lui qui l'a entrepris en 2014. Une question d'identité, rappelle-t-il.

Le développement que Mayotte a importé, bon gré mal gré, depuis sa reprise en administration directe par la métropole, se dévoie à l’usage au matérialisme, à l’individualisme, au consumérisme donné en modèle de comportement, etc. Simultanément – et comme pour équilibrer cette évolution, les Mahorais tendent au contraire à réaffirmer leurs traditions dans la recherche permanente d’un équilibre entre leur mémoire et leur imagination. Sous le coup de cette modernité, Mayotte ne veut pas perdre son identité. Cet effort de maintien d’une identité spécifique est particulièrement visible pour tout ce qui touche la religion, facteur sans doute le plus puissant d’unification de la société mahoraise.

Longtemps considérée par les voisins de l’Union des Comores comme des mauvais musulmans, sans doute en raison de l’Islam tolérant appliqué à Mayotte, mais aussi du rôle social et politique important des femmes mahoraises (les chatouilleuses) et des figures politiques historiques de confession catholique (Marcel Henry, Adrien Giraud, Fréderic D’Achery…), les Mahorais ont mis à profit la richesse relative de leur île, pour développer Mayotte dans des nombreux domaines y compris la religion.
Cette dernière ne dépend pas seulement de la foi individuelle mais aussi des signes – y compris matériels. Les écoles coraniques (les shioni) et les madrassas se sont multipliées. On en comptabilise 120 dans la seule commune de Mamoudzou. Les mosquées, environ 800 sur l’île dont 54 à Mamoudzou, croissent plus vite encore que la population, les minarets sur les mosquées inexistantes avant 1976, excepté celui de la grande mosquée de Chiconi, rivalise désormais en hauteur et en élégance.

Des centaines de milliers de pèlerins attendus à La Mecque (Photo : Mouhoutar Salim)

Le « Hadj » ou le grand pèlerinage
Et l’Islam à Mayotte qui cohabite dans la proximité et dans la mixité et sans difficulté avec les autres groupes religieux musulmans ou chrétiens de Mayotte notamment, les musulmans « Bohra », les catholiques, les évangélistes, les protestants et les témoins de Jehova, est fondé sur 5 piliers que sont la profession de foi, la prière, l’aumône, le jeune du Ramadan et le pèlerinage à la Mecque. Ce denier consiste en la visite des deux lieux sacrés de la Mecque et de Médine, en observant un rite défini dans une période bien déterminée de l’année qui correspond à la période du sacrifice d’Abraham. Ce cinquième pilier de l’Islam qui est le pèlerinage est un devoir qui incombe à tout musulman ayant le pouvoir autant pécuniaire que physique et cela au moins une fois dans sa vie.

Cette obligation beaucoup plus simple selon la religion mais rendu très complexe par la tradition comprend le coût du voyage et de séjour dans les villes de la Mecque et de Médine (8000€) que l’on ajoute au coût des deux repas commensaux communautaires au départ et au retour du pèlerinage. La description et les détails du pèlerinage sont profondément connus.

600 pèlerins prêts à se rendre dans les lieux sacrés
Les pèlerins qui se rendaient à la Mecque pour accomplir leur cinquième pilier de l’Islam, sont dorénavant plus de cinq cent chaque année. En effet, avec trois grandes associations organisatrices de ce grand voyage, à savoir AOPOM, ASPEL et DJAMOU, on assiste depuis quarante ans à une augmentation du nombre des pèlerins mahorais. On dénombrait environ une vingtaine des pèlerins en 1976, une cinquantaine en 1983 et plus de 500 depuis 2008. C’est l’Arabie Saoudite qui impose les quotas de pèlerins pour chaque pays, seules les personnes partant avec des associations organisatrices reconnues ont la possibilité d’effectuer le Hadj. La délivrance du visa par l’Arabie Saoudite est liée au statut vaccinal (vaccinations obligatoires dont celle de la fièvre jaune, antiméningococcique et la grippe).
Après trois ans de restrictions liées à la pandémie de Covid 19, l’Arabie Saoudite n’a pas imposé en cette année 2023 de limite sur le nombre des pèlerins. C’est ainsi que 600 pèlerins mahorais se préparent à se rendre très prochainement dans les lieux sacrés de la Mecque et Médine. A noter par ailleurs, que certains pèlerins mahorais choisissent de partir quand même via l’Union des Comores ou de la Réunion disposant également d’un quota. Le départ pour ce pèlerinage se fera d’une manière graduée à partir du 13 juin, 14 juin, etc., et retour probable quatre semaines plus tard. Chaque association encadre un nombre limité de pèlerins et on note la présence d’au moins un infirmer dans chaque groupe.

Le plus grand rassemblement populationnel annuel dans le monde

Accueil des hadj de retour de La Mecque

Le Hadj ou « le grand pèlerinage » est le plus grand rassemblement populationnel annuel dans le monde qui s’effectue selon un protocole bien défini et à des dates précises. Cet immense rassemblement requiert un certain nombre de mesures en termes de santé publique car il favorise la transmission de certaines maladies. Même si le Ministère de la santé (MinSa) Saoudien publie des recommandations spécifiques pour le pèlerinage (1). Il est important de rappeler à nos pèlerins, que leur risque principal est infectieux et en conséquence, prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de tomber malade pendant leur séjour et/ou de transmettre les maladies à leurs proches à leur retour à Mayotte.

Il convient de leur indiquer de se laver régulièrement les mains avec de l’eau et du savon, d’utiliser fréquemment des gels antibactériens et des mouchoirs en papier jetables pour se moucher, éternuer, tousser et les jeter dans une poubelle immédiatement après utilisation, pour limiter les infections liées aux mains sales. Il faut également leur demander de limiter les contacts avec les personnes qui toussent ou qui éternuent et porter un masque dans les endroits surpeuplés, pour limiter la diffusion de maladies aéroportées. Enfin, il faut qu’ils évitent les aliments préparés dans des conditions d’hygiène douteuse, à l’exemple de ceux vendus dans les rues, pour éviter les maladies liées à l’eau non potable et aux aliments souillés.

Ainsi, avec ces conseils de prévention, d’hygiène de base et de santé publique, le pèlerinage vers les Lieux Saints, restera un temps dédié au Sacré, sans les aléas intempestifs des risques infectieux majorés par les situations de promiscuité générées par les grands rassemblements humains.
Bon pèlerinage à tous !

Hadj Salim MOUHOUTAR
Auteur – conférencier

(1) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/cons

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