Ils sont sortis du silence. Alors que l’opération Wuambushu suscite majoritairement l’adhésion à Mayotte, et essentiellement l’incompréhension en métropole, il faut tel un Zelensky allant chercher les financements de la guerre en Ukraine dans toutes les instances internationales, y compris la Ligue Arabe, battre le pavé des médias et des ministères. A ce jeu, seule Estelle Youssouffa qui maitrise les arcanes de la communication pour être passée par là, a sévi. A La Réunion, ils savent faire, avec à l’époque un Michel Debré qui a fortement défendu la politique de développement de l’île. A Mayotte, peu sont rompus à l’exercice.
Les deux députés et le sénateur Thani Mohamed sont au front pour défendre la constitutionnalité des demandes, mais en dehors des parlementaires, aucune voix ne se fait entendre.
Le président LR du conseil départemental, Ben Issa Ousseni, et le président de l’association des maires de Mayotte (AMM), Madi Madi Souf, viennent de sortir du silence par le biais d’une tribune dans Le Monde, titrée « Il faut faire le choix d’une solidarité et d’une égalité républicaines sans faille à l’égard de Mayotte ».
Ils reviennent sur les motivations de la population, symbolisées par la Journée Ile morte de septembre 2022, de protestation contre « l’insécurité hors de contrôle » : « L’opération ‘Wuambushu’ déclenchée par le ministre de l’Intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin nous a donné l’espoir d’avoir été entendus. Rétablir la sécurité, éradiquer les bidonvilles, lutter contre l’immigration clandestine sont trois objectifs que nous soutenons. Il s’agit de reprendre le contrôle de notre destin et de recouvrer la paix à Mayotte. »
« Un aveu d’impuissance »
Mais alors que l’opération n’a réellement commencé que le 17 mai avec les reprises des reconduites à la frontière et la validation le même jour de l’opération de démolition de Talus 2, les deux élus s’inquiètent du délai de « deux à trois mois » de présence des forces de l’ordre qu’aurait récemment mentionné le ministre délégué aux Outre-mer Jean-François Carenco, alors que Gérald Darmanin avait assuré qu’il n’y avait pas de date limite. « Ce serait un aveu d’impuissance et un abandon impardonnable de Mayotte. Nous ne pouvons accepter cette issue honteuse, ce gâchis. (…) Les Mahorais subissent encore des violences extrêmes, comme des attaques de bandes de délinquants cagoulés et armés de machettes. Certains élus, parmi eux des maires, sont aussi pris pour cible. »
Pour acquérir de la sérénité sur le long terme, et de la visibilité nationale et internationale, ils réitèrent la demande toujours formulée à Mayotte : « que le Quai d’Orsay ose affirmer officiellement la supériorité du principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le droit international », sur celui de l’intangibilité des frontières brandie par l’ONU.
Une pleine reconnaissance de la mère patrie qui va de pair avec « une véritable égalité sociale » : « Nous ne sommes qu’à moitié Français en matière de prestations sociales. Cette discrimination est d’autant plus manifeste qu’à Mayotte tout coûte plus cher qu’en métropole. »
Même discrimination en matière migratoire, expliquent-ils aux lecteurs Hexagonaux : « Alors que nos services publics sont saturés, alors que l’eau potable nous manque de façon dramatique, alors que nous battons des records de chômage, l’Etat bloque, dans notre département, des étrangers régularisés, en délivrant des titres de séjours dits ‘territorialisés’. »
Ils mettent ces discriminations sur le dos « d’années d’abandon » qui « ont transformé notre paradis en terre de violence et de peur ».
En rappelant la richesse du patrimoine naturel et la position stratégique de l’île au sein du canal du Mozambique, Ben Issa Ousseni et Madi Souf appellent à faire « le choix du courage pour relever Mayotte et renforcer la France ».
Un message qui ne doit pas être isolé et qu’ils doivent aller, en tant que représentants du département, aller porter encore et encore sur les médias audiovisuels.
A.P-L.