Dans le cadre de l’évolution vers davantage d’économies d’énergie, le projet Coco (Confort Optimisé pour Réduire la Climatisation en Outre-mer), porté par le bureau d’études réunionnais Imageen, étudie l’efficacité de la ventilation naturelle et des brasseurs d’air des bâtiments en Outre-mer, sous une condition, le confort de ses occupants. Deux territoires ont plus précisément été retenus, Mayotte et la Martinique.
A Mayotte, la ventilation naturelle pour éviter une climatisation énergivore, on connaît. C’est le modèle retenu pour l’aérogare de Pamandzi ou le marché de Mamoudzou. Une solution pas toujours heureuse, comme dans la MJC de M’gombani, quand, par grande chaleur et absence de vent, aucun courant d’air ne vient raffraichir l’atmosphère. Un festival de jazz s’y était tenu, et sans bouteille d’eau, difficile de rester jusqu’à la fin de la soirée.
C’est aussi pour cela que s’est tenue cette étude, nous explique Néjia Ferjani qui l’a menée, et que nous avons contacté, « nous ne nous sommes pas intéressé aux bâtiments mais à la limite de confort atteinte par les occupants ».
Environ 2.100 enquêtes ont été réalisées à Mayotte, dans les établissements scolaires, au marché de Mamoudzou, au Shopi, dans des bureaux de Kawéni, des logements etc. Et à chaque fois, c’est l’état des personnes qui est visé, « l’objectif c’était d’avoir une tendance ».
Créer un modèle adapté
Le CAUE, Conseil d’architecture d’Urbanisme et d’Environnement, a fait le relais sur place, « sur toute la partie urbanistique et sensibilisation à la maitrise de l’énergie, et l’étude était cofinancée par l’Ademe Mayotte.
Un outil existe déjà pour mesurer le « confort thermique », le diagramme de Givoni, qui montre que la température de confort est la moyenne arithmétique entre la température de l’air et celle des parois, mais il n’est pas adapté selon Néjia Ferjani : « Le diagramme de Givoni est fait pour des pays bordant le bassin Méditerranéen. Il fallait des données spécifiques pour les régions en climat tropical humide ». Ont été relevés les températures, humidité et vitesse de l’air pour chaque usager des bâtiments ciblés.
A Mayotte, le taux d’équipement des ménages en climatisation est de l’ordre de 25 %, et en Martinique de 35 %, « elle est généralisée dans le tertiaire ».
Le premier résultat de l’étude, c’est l’adaptation physiologique, « le corps s’habitue. Quelqu’un qui habite Mayotte ou la Martinique est vraisemblablement mieux acclimaté qu’un étranger qui vient juste d’arriver. » Il supportera environ 2° supplémentaire en moyenne. L’ensemble des retours va permettre d’établir le « diagramme Coco » d’évaluation du confort thermique à Mayotte notamment.
Les limites de la zone de confort thermique
Une part significative de personnes déclare être en situation de confort à des températures entre 26 et 28°C avec une humidité de 50 à 80% (zones entourées en rouge ci-contre). Un résident jugera à 83% les conditions confortables à 28°C et 80% de taux d’humidité, quand la limite d’un métropolitain est de 26°C. Lorsqu’on agrémente d’un brasseur d’air, 85% des personnes se disent en condition de confort thermique jusqu’à 31°. En branchant la climatisation sous 26°C, plus de 25% des personnes interrogées déclarent un inconfort lié au froid, rapporte l’étude.
Une étude précieuse pour les investissements futurs à mener à Mayotte : « Si le bâtiment est mal conçu, l’environnement mal appréhendé, les utilisateurs auront un niveau de confort insuffisant, c’est à ça qu’il faut pallier. Cela va permettre d’éclairer les maitres d’ouvrage, les architectes, les bureaux d’étude qui n’avaient pas de retour d’expérience sur ce sujet jusqu’à présent. Or, le secteur de la construction et du BTP a ainsi été encouragé à climatiser à outrance les bâtiments en climat tropical, en se basant sur des hypothèses inadaptées. »
Il est recommandé d’utiliser la végétalisation de l’environnement du bâtiment, l’isolation des toitures, le recours aux brasseurs d’air ou à la protection du soleil. Notons à ce sujet que nous assistons trop souvent à Mayotte à des coupes d’arbres sans replantation pour compenser cette protection perdue.
Il existe donc une vie sans la clim, mais de la même manière que des efforts sont faits lors des hivers métropolitains sur l’excès de chauffage, se priver de l’un comme de l’autre n’est malgré tout pas réaliste.
En juin, le cabinet sera de retour à Mayotte pour mener une autre étude, sur la maitrise d’énergie dans les hôtels.
Anne Perzo-Lafond