Dans son rapport annuel d’activité sur 2022, la Défenseur des droits Claire Hédon, rappelle vouloir cibler les personnes placées en situation de vulnérabilité, « car ce sont elles qui sont particulièrement exposées à des risques d’atteinte à leurs droits ».
Le nombre de réclamations adressées à la Défenseure des droits augmente chaque année, il y en a eu 125.452 en 2022, soit une hausse de 9%. Sur l’ensemble du pays, ce sont 250 agents, 570 délégués répartis sur 990 points d’accueil, et 94 jeunes ambassadeurs des droits de l’enfant et de l’égalité (JADE) dans 22 départements, dont Mayotte.
Si 24% des réclamations portent sur le plan national sur le droit des étrangers, suivi par la protection et à la sécurité sociale (21%), plusieurs thèmes font l’objet de sollicitation à cette institution. Et autant de cas particuliers qui trouvent pour certains une solution après une recommandation de la Défenseure des droits, qui n’a pas de moyen coercitif.
Il peut s’agir de l’accès aux droits des personnes âgées vivant seules, d’une discrimination dans l’accès au logement, de la possibilité d’assister aux obsèques d’un proche pour un détenu, de l’interruption en cours d’année scolaire de l’accompagnement par l’Aide sociale à l’enfance d’un jeune majeur isolé, de la lutte contre la prostitution des mineurs, de licenciement après dénonciation d’un harcèlement sexuel, de l’accès aux droits dans un contexte de dématérialisation des données, mais aussi, de la protection des lanceurs d’alerte, etc.
La protection de l’enfance en sous-France…
Un des chapitres qui retient l’attention de Claire Hédon, et la nôtre, c’est « L’état dramatique de la protection de l’enfance en France ». Les services du Défenseur des droits ont mené un travail d’instruction de plusieurs années à la suite de la saisine d’une infirmière inquiète du traitement réservé aux enfants accueillis dans un centre départemental de l’enfance et de la famille. À l’issue, la Défenseure des droits pointe notamment « l’insuffisance de la surveillance et du contrôle de la structure de la part du conseil départemental et de la préfecture, ainsi que l’absence de concertation, de coordination et de travail en réseau entre le département et l’agence régionale de santé ».
Prenant acte d’un certain nombre d’améliorations depuis les faits, elle formule 16 recommandations, portant sur les taux d’occupation et le sureffectif, le devoir de surveillance et de contrôle des établissements de protection de l’enfance, le mode de gouvernance, de management et de recrutement, les réponses interinstitutionnelles en faveur des enfants présentant des problématiques complexes, et le soutien du service de l’Aide sociale à l’enfance aux établissements qui prennent en charge les enfants.
Le département n’est pas mentionné, et si le problème de la prise en charge des mineurs isolés tend à se généraliser dans le pays, Mayotte colle au profil détaillé ci-dessus.
Notre département fait naturellement l’objet de critiques de la Défenseur des droits qui se dit une nouvelle fois « très préoccupée du nombre d’enfants enfermés en Centre de rétention administrative (CRA) ». Dans une décision adressée au service en charge de l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, elle souligne les nombreuses violations des droits des mineurs à Mayotte : rattachement arbitraire de mineurs à des tiers et modification de leurs dates de naissance aux fins de rétention administrative et d’éloignement du territoire.
La Déléguée attendue par toute une population
La Défenseure remet sur la table les recommandations formulées par son prédécesseur Jacques Toubon, notamment la fin de l’enfermement des enfants en centre ou local de rétention administrative et « des pratiques de modification unilatérale de dates de naissance des adolescents interpellés aux fins de placement en CRA et d’éloignement. »
Il serait utile qu’une coopération s’installe entre le gouvernement et la Défenseur des droits pour trouver une solution au problème souligné par le rapport interministériel : l’absence de déclaration de paternité des parents reconduits aux Comores, qui laissent leurs enfants à Mayotte les condamnant à l’errance et la désocialisation. Et donc à la saturation des services sociaux départementaux et de l’Etat. Des parents qui ensuite, ne veulent pas les récupérer une fois retournés dans leur pays, situation révélé par le même rapport. Il serait intéressant d’entendre la Défenseure des droits à ce sujet.
Une Déléguée du Défenseur des droits est présente à Mayotte, qui permet un meilleur accès au droit pour ceux qui ont des difficultés de maitrise la langue française, qui reçoit dans les Maisons France service de Sada, Ouangani et Combani, « les habitants de Mayotte qui pensent que leurs droits n’ont pas été respectés ». La représentante à Mayotte de l’institution est notamment intervenue en faveur d’enfants âgés de 4 à 8 ans « qui n’ont pas pu faire leur rentrée, suite à des refus d’inscription », et a pu obtenir satisfaction. Au regard des 6.000 à 9.000 enfants dans ce cas à Mayotte, les permanences risquent d’être saturée, et les solutions pas faciles à trouver.
Tout le monde rêve d’avoir une Défenseure des droits chez soi, les enjeux à Mayotte sont tels en terme d’accès au RSA ou à une retraite digne, qu’elle va devoir se démultiplier.
Anne Perzo-Lafond