Le salaire moyen perçu dans le secteur privé à Mayotte reflète le décalage de la structuration du marché de l’emploi avec le reste du pays. En brut, il était de 1500 euros par mois en 2020, contre 3.300 euros en métropole la même année selon l’INSEE. Sur notre territoire le salaire moyen n’est donc pas très éloigné du SMIC mensuel brut qui est passé à 1.290,68 euros au 1er janvier 2023.
L’étude menée permet de cerner les secteurs les plus rémunérateurs. Fin 2020, seules 2.300 entreprises du secteur privé sont employeurs à Mayotte, contre 3.368 en Guyane, DOM à la démographie comparable à la nôtre.
Comme le rappelle l’enquête CEROM (IDEOM, AFD, INSEE) pour les 10 ans de la départementalisation en 2021, et sur laquelle s’appuie l’INSEE, la bonne surprise date de l’année 2017 où les entreprises privées portaient la dynamique de l’emploi sur notre département, alors que c’était jusqu’à présent l’apanage de la fonction publique d’Etat, et ce, jusqu’en 2019, à la veille de la crise sanitaire. Pour autant, ces créations d’emplois importantes sur ces dix dernières années, « ne suffisent pas par rapport à une population en âge de travailler qui augmente plus fortement encore ».
Par rapport à l’Hexagone, le déficit d’emplois à Mayotte, concerne plus particulièrement les services, notamment les services de l’information et de la communication, de la finance et de l’assurance et des services immobiliers, qui ne regroupent que 5 % des salariés du secteur privé marchand, ainsi que l’industrie (13 %). Le commerce et la construction sont les deux secteurs qui emploient le plus de salariés (20 % chacun).
L’administration comme pompe aspirante des compétences
Ce faible taux d’emploi est expliqué là encore par le CEROM. « Il résulte de deux facteurs. D’une part, l’économie mahoraise ne génère pas suffisamment d’emplois au regard de la population en âge de travailler. D’autre part, la main-d’œuvre est moins qualifiée qu’ailleurs, donc moins employable. Ainsi, seuls 26 % des habitants de Mayotte de 15 ans ou plus disposent d’un diplôme qualifiant, c’est-à-dire au moins égal au CAP ou BEP, contre 40 % en Guyane et 72 % dans l’Hexagone. »
A notre sens, c’est sans doute ce qui explique que les salaires dans le privé n’aient pas suivi le boom de ceux du public qui ont grimpé de 40% en 5 ans sous l’effet de l’indexation généralisée dans les DOM. Mais c’est aussi l’explication du faible taux de qualification dans le privé, l’administration et ses pensions mirobolantes faisant effet de pompe aspirante des plus diplômés. Les besoins dans l’Education nationale en sont la face visible. L’autre explication est que les entreprises ici sont majoritairement très petites, et qui ont du mal à rémunérer correctement leurs employés.
L’INSEE nous dit en effet que les rémunérations augmentent avec la taille de l’entreprise : « le salaire brut moyen varie de 1.100 euros par mois dans les petites entreprises de moins de 10 salariés à 1.800 euros dans celles de 100 salariés ou plus. Dans les secteurs du commerce, de l’industrie, des transports et de la construction, les salaires sont deux à trois fois plus élevés dans les grandes entreprises de 100 salariés ou plus par rapport aux petites structures de moins de 10 salariés. »
Amplitude de 1.800 euros en fonction des secteurs
Les salaires varient aussi fortement selon le secteur d’activité : « de 700 euros par mois en moyenne pour les salariés de l’agriculture à 2.500 euros pour les salariés des secteurs de l’information et de la communication, de la finance et de l’assurance et des services immobiliers ». On peut observer que la rémunération est donc étroitement corrélée à la structuration du secteur. Or,on sait que les agriculteurs n’étaient pas reconnus en tant que tel avant 2015 à Mayotte, l’activité n’est donc encore qu’embryonnaire, alors qu’elle doit pourtant servir de socle au développement de tout territoire.
De plus, comme ailleurs en France, les salaires sont plus élevés dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Ceux cités plus haut de la finance, l’assurance, l’immobilier ou l’information-communication, ainsi que le secteur industriel, les activités scientifiques et techniques, les transports et le commerce : ils versent des salaires bruts allant de 1.600 à 1.900 euros par mois en moyenne.
Quatre secteurs – le commerce de détail, l’industrie, la construction et les services aux entreprises – sont à l’origine de 61 % de la valeur ajoutée (richesse) générée par ces entreprises.
Faire émerger des cadres dans tous les secteurs
Ces secteurs, à l’exception des activités scientifiques et techniques, sont davantage composés de grandes entreprises, « les salariés y sont donc moins souvent à temps partiel qu’ailleurs », ce qui limite les bas salaires. Les postes de cadres, de plus en plus nombreux à Mayotte – en 2017, près de 5 000 personnes travaillent comme cadre à Mayotte, soit quatre fois plus qu’il y a 20 ans – sont concentrés dans les activités scientifiques et techniques et dans les secteurs de l’information et de la communication, de la finance et de l’assurance et des services immobiliers, « respectivement 29 % et 22 % des salariés y sont cadres en 2017, contre 8 % dans l’ensemble du secteur privé marchand ».
Les salariés de la construction sont rémunérés à un salaire brut de 1.400 euros par mois, un montant proche du salaire moyen du secteur privé marchand.
Les salaires les plus faibles, ne dépassant pas les 1.100 euros, se trouvent dans les secteurs composés essentiellement de petites entreprises : l’agriculture, les activités artistiques et de spectacle, l’hébergement et la restauration et les services aux particuliers.
Comme nous l’avons vu, ce sont les secteurs où l’on trouve le moins de main d’œuvre qualifiée, moins de 6 % de leurs salariés sont cadres, contre 8 % dans l’ensemble du secteur privé marchand, et ce sont aussi ceux où le temps partiel est plus répandu : il concerne notamment 41 % des salariés des services aux particuliers parmi lesquels l’on retrouve de nombreuses femmes employées à domicile.
Anne Perzo-Lafond