Alors que se termine le Bureau Fédéral Elargi (BFE), sorte de congrès des pilotes maritimes qui se tenait sur deux jours, nous avons interviewé Henry Caubrière, président de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM), qui dresse un bref bilan de ces journées de rencontre entre l’ensemble des stations de France, et évoque les problématiques propres à la profession.
Le métier de pilote maritime est méconnu sur le territoire, et ce congrès aura permis de mettre en lumière ces officiers, plus hauts diplômés de la Marine marchande, qui embarquent à bord des cargos en entrée et sortie de port, pour conseiller le commandant sur la manœuvre. Chacune des 29 sociétés de pilotage de France est indépendante, elles sont dimensionnées en fonction du trafic maritime. Il y a une cinquantaine de pilotes à Marseille et sur la Seine, quand à Mayotte, trois suffisent. Lorsqu’un pilote part à la retraite, après 20 ans de service dans le même port, Longoni en l’occurrence, un concours est organisé pour le remplacer. C’est ce qui s’est passé l’année dernière à Mayotte, Pierre-Emmanuel Duclau est ainsi venu rejoindre Rémi Xiberras, et Gilles Perzo à Longoni.
Le remplacement des pilotes sur l’ensemble du pays était un des sujets abordés justement lors du BFE, rapporte Henry Caubrière. « Nous sommes actuellement 330 pilotes en France, dont 100 vont être à renouveler dans l’année à venir. Cela ne devrait pas poser de problème pour les grandes stations, davantage pour les petites. » Car le métier est un véritable « sacerdoce », explique-t-il, « il faut être disponibles 24h sur 24, ce qui limite la prise de vacances, notamment pour Saint-Pierre-et-Miquelon où n’exerce qu’un seul pilote. »
A côté Gilles Perzo, président de la station de Mayotte acquiesce, « le problème se pose à Mayotte où le manque d’attractivité joue contre nous. Les institutionnels nous ont expliqué avoir le même problème pour trouver des fonctionnaires. S’ajoute l’éloignement familial pour ceux qui ont leurs attaches en métropole. » Or le pilote est indispensable au port, sans lui, les navires ne peuvent entrer et sortir.
Recadrer l’image
Pour Henry Caubrière, le sujet se pose désormais à plus grande échelle : « Nous assistons à l’arrivée d’une nouvelle génération d’officiers, très attachés à la qualité de vie, et qui ne sont pas prêts à tout sacrifier pour le métier. Cela devient donc un problème générationnel. » Il souligne qu’en dépit de l’image d’insécurité qui colle à Mayotte, le BFE s’est malgré tout tenu, « cela ne nous a pas empêché de venir ! ». Et beaucoup de pilotes sont venus en famille. Malgré tout, plusieurs représentants de station n’ont pas sauté le pas des 8.000 km qui nous séparent de l’Hexagone, « certains reportages télé font très mal », souligne-t-il.
Celui qui est aussi pilote du Havre a beaucoup « touché » Mayotte lorsqu’il naviguait. « En 1993 et 1994, nous mouillions dans le lagon, avec autour de nous, des paysages magnifiques que je n’ai pas oubliés. Huit ans plus tard, un copain de mon frère m’a questionné à propos de l’île, et il décidait de s’y installer comme médecin pendant 15 ans. »
D’autres sujets relevant de la profession ont été abordés lors du BFE, comme l’aptitude auditive des marins : « La vision est contrôlée dès le concours et régulièrement ensuite, avec un 10/10 toléré après correction pour chaque œil, mais on ne se souciait pas de l’audition. Nous allons nous rapprocher des Affaires maritimes, car il y a carence en ce domaine pour tous ceux qui portent des prothèses auditives. » Les dernières lois sociales ou les données liées au taux de dépréciation du matériel ont aussi donné lieu à des partages d’informations.
Son vol Air Austral de ce jeudi ayant été reporté, Henry Caubrière a eu le temps de faire un peu de tourisme, et de prendre connaissance des enjeux locaux : « Je suis intimement persuadé que cette île a ses chances, on sent un fort dynamisme, et le port a lui même un grand avenir régional. En métropole, les gens ne vous connaissent pas, il faut changer ça. » C’était aussi un peu l’objectif de la tenue de ce BFE à Mayotte.
Anne Perzo-Lafond