« Au 1er janvier 2022, Mayotte compte 300 000 habitants ». Le communiqué de presse de l’Insee datant du 6 janvier 2023 indique que « ce chiffre est fondé sur le dernier recensement exhaustif mené en 2017, actualisé chaque année à partir des données d’état civil sur les naissances et les décès ainsi que par la prolongation de la tendance en matière de flux migratoires ».
Un sujet de débat faisant couler beaucoup d’encre
La question du recensement à Mayotte cristallise, malgré elle, les passions et les données de l’Insee sembleraient ainsi revêtir, malgré elles, une dimension sibylline. Une situation pouvant s’expliquer au regard de l’utilisation de la population officielle servant de base de calcul à plus de 350 dispositions législatives et réglementaires. Qu’il s’agisse de cibler les besoins en logement, les équipements collectifs nécessaires ou encore les écoles et les hôpitaux, la notion de population officielle est incontournable. Il en est de même concernant le calcul de la dotation globale de fonctionnement versée par l’Etat aux communes. Or, pour beaucoup d’observateurs, le contexte migratoire à Mayotte fausserait significativement les résultats permettant d’estimer la population du 101e département. Régulièrement des estimations de la population à partir de l’importation de riz font surface. Sur ce point, l’Insee souligne que cette approche « doit être considérée avec prudence car les quantités importées ne correspondent pas nécessairement aux quantités consommées ».
Des méthodes de recensement pour tenir compte des spécificités de l’île
Dans son communiqué de presse du 6 janvier dernier, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), rappelle que « depuis 2021, le recensement prend la même forme à Mayotte que sur le reste du territoire français ». Une enquête annuelle « couvrant chaque année une partie différente du territoire, avec quelques adaptations aux spécificités mahoraises » est réalisée. Ainsi à compter du 2 février prochain, la troisième enquête annuelle se déploiera à Mayotte, faisant suite aux deux précédentes (2021, 2022). Ce n’est qu’en 2025, au bout de cinq années de campagne de recensement, que l’Insee disposera « des résultats complets par commune ».
Pour tenir compte des spécificités de Mayotte, « avant chaque enquête, une cartographie précise permet de repérer l’ensemble des logements concernés, qu’ils soient en dur ou en tôle (bangas) ». Cette cartographie s’opère aussi bien en ville, dans les zones rurales ou encore dans les « quartiers insalubres excentrés ou non ». En outre, les agents recenseurs « sont recrutés localement par la commune ». Ces derniers travaillent « à proximité de leur domicile et se rendent dans tous les quartiers ». L’Insee précise que « le respect de la confidentialité permet de recenser tous les résidents, y compris ceux en situation irrégulière ». A ce titre, la dénomination « population légale » utilisée par l’institut, signifiant qu’il « s’agit de chiffres authentifiés par décret de la Première ministre [faisant] faisant foi pour l’application des textes législatifs et réglementaires », comprend bel et bien l’ensemble de la population résidente quel que soit « son statut ou sa nationalité ».
L’habitat informel et la saturation des infrastructures constituent des biais
Pour l’Insee, le décalage entre la population estimée et le ressenti vécu tient au fait des « caractéristiques du territoire, qui laissent penser qu’il est difficile d’en cerner la démographie, et sans doute à une méconnaissance des méthodes rigoureuses de recensement, destinées à prendre en compte les spécificités » de l’île. Il en est ainsi de la configuration du bâti informel. Souvent étendue sur une large zone, la densité, selon l’Insee « n’y atteint pas forcément celle des grandes villes métropolitaines ». Concernant la saturation des infrastructures du territoire, pouvant suggérer que la population est bien supérieure à celle mise en avant par l’institut, l’Insee rappelle que le recensement a permis « de révéler un doublement de la population de Mayotte en 20 ans, sans que les infrastructures aient suivi le même développement ».
Néanmoins, l’institut a conscience que la méthode actuelle de recensement constitue « un compromis entre l’intégration de Mayotte dans le processus de recensement du reste du territoire français et la prise en compte nécessaire de quelques spécificités du département, de manière à garantir une qualité équivalente ». Un défi que l’Insee entend relever en adaptant les méthodes aux particularités de « l’île au lagon ».
Pierre Mouysset