A côté de son petit étal d’ananas, Ibrahim* est désappointé. Lui qui avait lancé le concept de fruit en barquette et des ananas prêt à consommer dans ce quartier économique de Kawéni, est réduit à vendre quelques mangues et ananas en retrait de la route. Le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soulaimana, a en effet décidé de réorganiser les abords de la route nationale, pour plusieurs raisons, nous avait expliqué celui qui est en charge de la DPSU (Direction de la prévention et de la sécurité urbaine), Chaharoumani Chamassi : « Beaucoup de commerce étaient installés sans autorisation, et certains gênaient la visibilité des automobilistes. Il s’agit aussi de redonner de la propreté le long de la nationale, d’éviter les arrêts intempestifs des véhicules pour acheter des fruits et des légumes. »
Une opération également destinée à inviter les commerçants à se mettre en règle. « Mais je l’ai fait, nous glisse Ibrahim, cela fait longtemps que j’ai déposé un dossier, et là, je ne gagne plus assez ». Nous avons refait un point avec le capitaine Chamassi, et constaté que la situation a fait un grand pas en avant sur le plan de l’organisation. « Nous appliquons l’arrêté du maire qui interdit la vente sauvage. Les vendeurs en situation irrégulière ne peuvent plus rester sur la voie publique puisqu’ils ont vocation à être reconduits, et ceux qui sont en situation régulière ont donc du déposer un dossier à la mairie. Ils sont tous en cours d’instruction. Ils peuvent ensuite se réinstaller mais avec table et chaises pliantes, et avec un parasol. Ou alors faire de la vente ambulante. »
La traçabilité contre le vol
Une place leur sera dédiée à Kawéni, derrière la MJC : « Ils vont pouvoir s’installer sur la gauche de la place SPPM. Nous avons commencé par Tsararano. Là, l’emplacement est numéroté, et les vendeuses ont des parasols de différentes couleurs, et non des vieux Orangina ou Coca Cola comme il y avait avant. Ensuite, les vendeurs ambulants de Mtsapéré seront regroupés sur la place à côté de la mosquée de Doujani. »
Et la mairie vise plus loin, toujours dans le cadre du plan Mayotte 2030 voulu par son maire. « Lorsqu’ils arrivent, les touristes doivent voir un paysage propre, pas négligé comme on a le fait trop souvent. Et pour eux comme pour les habitants, je veux créer une fiche de traçabilité. Je cite un exemple en l’air : lorsqu’on achète des légumes à une vendeuse, on saura que c’est ceux de Rachid à Hajangua. Ça permettra de contrer les tentatives de vente des marchandises volées par les gamins. L’agriculteur devra mettre son nom et sa pièce d’identité. »
Des containers de poissons avariés
Tsoundzou devient l’exemple leader, « sur les 75 vendeurs et vendeuses ambulants, il y avait 40 étrangers en situation irrégulière qui ne peuvent pas être pris en compte. Nous avons numéroté les places et installé déjà18 vendeuses sur l’espace dédié à côté de la station. C’est en cours de finalisation, mais on peut déjà voir les parasols nouveau style depuis la route. Il y a 70 places en tout. »
Des vendeurs qui ne sont plus sur le bord de la route, donc moins visibles, il faut donc changer les habitudes des consommateurs, comme ce fut le cas pour le marché couvert de Mamoudzou, après que le vaste amas de cases en tôle ait été rasé il y a plusieurs années. « J’ai discuté avec Michel Ahmed, le directeur du Comité de tourisme, pour que le circuit touristique proposé notamment à la saison des paquebots, fasse un stop chez ces vendeurs traditionnels mahorais. » Et la mairie va se retrousser les manches sur ce sujet aussi, « un Service d’attractivité est en cours de création à la mairie de Mamoudzou. »
Autre site à avoir fait l’objet d’un toilettage, la halle des pêcheurs à Mtsapéré : « Il y avait là une cinquantaine de containers qui servaient à conserver du poisson dans des conditions telles que plusieurs étaient avariés. Il y avait également des containers qui servaient à stocker du matériel volé. Le précédent maire avait tenté de s’y attaquer, en vain. Nous avons engagé des discussions, et tout a été nettoyé. »
La tâche reste encore titanesque, mais Ambdilwahedou Soumaila le répète à l’envi, « quand on la volonté politique d’y arriver, ça bouge. »
Anne Perzo-Lafond
* Nom d’emprunt