« Nous nous occupons de ce que l’on appelle les médicaments non utilisés ». Thierry Moreau Defarges, président de l’éco-organisme Cyclamed, est en ce moment à Mayotte, accompagné du directeur général et de la responsable logistique de la structure, afin « de faire évoluer le dispositif de la collecte de ce type de médicament de la meilleure des manières ». Cette catégorie de médicaments non utilisés (MNU) prend uniquement en compte ceux issus des ménages, excluant ainsi ceux provenant du domaine vétérinaire et hospitalier.
Les MNU, une catégorie spécifique
« On ne récupère que les médicaments vendus dans les officines de villes et que les patients y rapportent », précise Thierry Moreau Defarges. En outre, « les produits cosmétiques, les compléments alimentaires, et les dispositifs médicaux ne sont pas des médicaments et ne sont donc pas pris en compte », poursuit-il. Dès lors, comment reconnaître un produit qualifié de médicament ? « Si on a un doute sur l’identification, vous avez sur le site internet de Cyclamed un moteur de recherche pour savoir si c’est un médicament ou non », renseigne l’interlocuteur.
Une fois l’identification réalisée, les MNU doivent être séparés de leurs emballages en carton et de leurs notices pour ne garder que les emballages dits « primaires », à savoir « les blisters, les tubes ou les flacons », explicite le président, ajoutant que « si un blister est vide, il est préférable de le mettre dans la poubelle de recyclage ». Ces MNU peuvent concerner des médicaments périmés, ayant été inefficaces lors d’un traitement, présentant des effets secondaires pour le patient, ou lorsque le produit n’est plus d’actualité, le patient ayant changé de statut. « Par exemple, lorsqu’un nourrisson devient un enfant », illustre l’interlocuteur.
Les pharmacies, pierre angulaire du système de collecte
Lorsque les deux étapes d’identification et de séparation sont effectuées, les patients apportent les MNU à l’une des vingt-quatre pharmacies de l’île. A l’instar de celles de métropole, elles sont tenues par la loi de collecter les MNU. Ces derniers sont stockés dans des cartons dédiés à cet effet avant d’être récupérés par des grossistes-répartiteurs en produits pharmaceutiques ; les mêmes que ceux qui livrent les médicaments aux pharmacies.
Grâce au système actuel, « les médicaments sont toujours sous le statut de la responsabilité pharmaceutique », informe le président. Ensuite, les MNU sont exportés en métropole où ils seront brûlés dans des unités de valorisation énergétique afin de produire de l’électricité.
Le 101e département consomme peu de médicaments
« Quand nous avons mis en place le dispositif de collecte des MNU en 2015, de nombreux pharmaciens m’ont dit que j’allais avoir beaucoup de médicaments à récupérer. Or, il n’y a pas eu de container expédié avant 2018. C’était un container de 2 tonnes. Le second, de même contenance, a été expédié en 2019 et le dernier en octobre 2022 », explique le président. Le chargement est parti avec le cargo dédié à l’évacuation des déchets dangereux. « Au départ nous ne devions pas l’expédier avec ce navire car les MNU n’ont pas le statut de déchets dangereux mais nous avons fait le nécessaire pour qu’il puisse quand même partir avec », se félicite-t-il.
Le volume exporté est, selon lui, « totalement cohérent avec les quantités vendues et cohérent avec les comportements locaux ». En effet, Mayotte est un territoire où l’on consomme assez peu de médicaments comparé à la métropole. Ainsi, même avec une limite basse de la taille de la population, le nombre de boîtes consommées par habitant est de dix par an, contre quarante en métropole. Même si structurellement la consommation est à la baisse au niveau national, à Mayotte, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faible proportion selon le président de Cyclamed.
Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte
Parmi les explications potentielles, la proportion de jeunes sur l’île qui est un public consommant peu de médicaments. Une population préférant utiliser des médecines douces mais aussi un suivi des patients exercé par les infirmiers. Ces derniers, précise Thierry Moreau Defarges, « jouent un rôle très important auprès d’un certain nombre de patients chroniques en leur préparant leur pilulier, limitant ainsi le gaspillage ». Néanmoins parmi ces facteurs, celui de l’envoi de médicaments dans les pays voisins restent difficilement quantifiable. De toute manière constate le président, « le point clé c’est le faible nombre de médicaments vendus à Mayotte ». Dès lors, qui dit faible quantité au départ dit, vraisemblablement, peu de médicaments non utilisés. « C’est évident », constate-t-il.
Cependant, leur valorisation n’est pas à négliger même si les MNU ont le statut d’ordures ménagères. Leur élimination par la voie classique de la poubelle n’est pas sans conséquence, aussi bien d’un point de vue environnemental, avec leur enfouissement, que sanitaire. Pour faire passer le message, Thierry Moreau Defarges attend ainsi rappeler trois éléments clés : « avoir une armoire à pharmacie, faire un tri des médicaments et des non médicaments ainsi que faire le tri entre les emballages carton et ceux dits primaires ».
Pierre Mouysset