C’est dans l’air, la fusion des articles 73 et 74 de la Constitution à l’étude, et a d’ailleurs fait l’objet d’une question au président du CD de Mayotte, comme aux autres. Elle permettrait de mettre fin à la différenciation entre Départements d’Outre-mer (DOM) qui relèvent du premier, et des Collectivités d’outre-mer, qui relèvent du second.
Mais à ce compte, tous ces territoires n’ont pas les mêmes objectifs. Parmi ceux de Mayotte, celui de ne pas s’éloigner de la République française dans une région où nos voisins comoriens nous considèrent comme la 4ème roue de leur Union.
Pour autant, la départementalisation de Mayotte est bancale, il faut donc la faire évoluer pour aboutir à une égalité avec les autres DOM, sans évolution statutaire, s’est évertué à expliquer Ben Issa Ousseni à la Délégation sénatoriale, répondant à des questions pas tout à fait bien préparées, mais l’essentiel du message est passé.
« Nous avons été érigés en collectivité unique mais sans aller jusqu’au bout de la double compétence, en adoptant le côté départemental, mais pas suffisamment le régional », martelait-il au long de son intervention. C’est en effet l’Etat à Mayotte qui a gardé la main sur les routes – dont Ben Issa Ousseni a refusé de reprendre la gestion comme plusieurs autres départements, réclamant une remise à niveau préalable – les collèges et les lycées, et partiellement le développement économique. « Nous ne sommes même pas à 50% des compétences régionales exercées ».
Adapter et converger
C’est d’ailleurs ce qui explique en partie que Mayotte bénéficie d’une Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) de 125 euros par habitant, contre 245 euros à la Réunion, les secteurs cités ci-dessus n’étant pas compensés car pas transférés.
Si le problème de l’adaptation des lois au contexte mahorais se matérialise dans l’immigration clandestine, c’est à peu prés le seul secteur, la plupart des thématiques relevant d’un éloignement critiqué par rapport au droit commun : « Nous sommes les seuls à avoir des titres de séjour territorialisés, à subir un délai de carence pour l’allocation des personnes handicapées, à endosser seul la continuité territoriale entre Petite et Grande Terre, à ne pas être desservis par Air France, et nous devons gérer jusqu’à 10.000 mineurs isolés, ce qui est énorme pour un territoire de 290.000 habitants. »
Le président du CD expliquait donc à son interlocutrice Micheline Jacques, sénatrice LR de Saint-Barthélemy, vouloir à la fois une convergence avec la métropole sur ces points et sur les droits sociaux et autres, « insuffisamment pris en compte dans le projet de loi Mayotte », et davantage de libertés, « pour nouer notamment des partenariats avec les pays de la zone, Madagascar, Tanzanie, sans passer par Paris ».
Différenciation sans autonomie
La difficulté de l’exercice portait sur la réponse à la question clé, « Quel sens donnez-vous aux notions de différenciation, de responsabilité ? Où vous situeriez-vous dans la limite de la notion d’autonomie ? » Le mot sacrilège était lâché, « ce n’est même pas suggérable aux mahorais ! L’évolution institutionnelle génère ici plus d’inquiétude que d’espoirs, tout comme la fusion des articles 73 et 74. Nous ne voulons que quelques petites adaptations », lançait Ben Issa Ousseni. Il n’est pas le seul, l’appel de Fort-de-France avait été signé par 6 territoires.
Ces demandes sur la déclinaisons des compétences régionales, avec davantage de conseillers départementaux pour les exercer, et de l’évolution du mode de scrutin en scrutin de liste, rappelaient de vieux souvenirs, et c’est par sms car présent à Mayotte que le sénateur Thani Mohamed Soilihi interrogeait le président Ben Issa sur son appréciation du toilettage institutionnel de son prédécesseur Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui reprenait tous ces points, en provoquant un tsunami social, et dont il avait intégré la majorité. « C’est le terme ‘toilettage institutionnel’ qui avait inquiété les gens alors que sur le fond, le travail vers la régionalisation doit être mis en place ».
On en revient à la question piège à laquelle les Mahorais ont du répondre favorablement en 2009 pour obtenir la départementalisation : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée ‘Département’, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ? » Si l’idée était d’initier une évolution vers une collectivité unique à laquelle souscriront plus tard la Guyane et la Martinique, ces deux DOM étaient auparavant dotées des deux assemblées, départementales et régionales, qui ont fondu en une seule. Pas Mayotte.
Anne Perzo-Lafond